« La nouvelle loi française n’est pas conforme à la législation de l’UE! »

Posté le 17.11.2016 à 08h31

Wil van Megen donne ici sa lecture sur la partie de la loi, portée par le ministère des Sports, que la Fnass et l’UNFP conteste dès son projet, raison pour laquelle ils ont décidé de déposer une plainte devant la Commission Européenne. Comme eux, le directeur juridique de la FIFPro constate qu’elle n’est pas conforme à la législation de l’UE…

En 2015, le gouvernement français a décidé d’introduire une nouvelle loi excluant les athlètes professionnels de l’application de la législation nationale régulière sur les contrats de travail à durée déterminée. Le gouvernement a indiqué avoir consulté toutes les parties prenantes (employeurs et employés) avant de passer à cette étape.

Toutefois, à aucun moment le plus grand groupe d’athlètes professionnels de France n’est parvenu à un accord sur le texte voté par le parlement. Quatre-vingt-quinze pour cent des footballeurs professionnels en France sont membres du syndicat de joueurs national UNFP.

L’UNFP, avec autres groupes d’athlètes, a déposé une plainte devant la Commission européenne dans la mesure où cette nouvelle législation est en infraction au droit de l’Union européenne. La Commission a récemment confirmé qu’elle avait reçu cette plainte, et qu’elle mènerait une enquête plus approfondie.

Contexte

En 1999, l’UE a élaboré une directive sur les contrats de travail à durée déterminée.

Chaque pays de l’Union européenne était tenu d’appliquer cette législation sur les contrats de travail à durée déterminée dans le cadre de la directive. Cette législation devait tout d’abord stipuler le moment où les contrats de travail à durée déterminée successifs se transformeraient en contrats de travail à durée indéterminée.

La directive présentait en second lieu des conditions permettant aux pays membres de l’Union européenne d’y déroger. Pour le football, les contrats passés entre clubs et joueurs sont des contrats à durée déterminée.

La directive s’applique donc à ces contrats. Il en résulte pour le football qu’après une extension de contrat et au bout d’une période précise, le contrat devient un contrat de travail à durée indéterminée. Dans la plupart des pays de l’UE, cette période est de deux ou trois ans.

Pour éviter cette situation, les parties prenantes ont la possibilité de passer un accord dérogeant à la directive et à la législation nationale. Elles peuvent éviter que les contrats ne deviennent des contrats à durée indéterminée. Mais elles ne le peuvent pas indéfiniment, comme statué par plusieurs tribunaux.

Cas du football allemand

Dans certains pays, les parties prenantes du football ont conclu une convention collective pour pouvoir régler cette question.

Dans un certain nombre d’autres pays, la directive a été entièrement ignorée. C’est le cas en Allemagne, où l’affaire entre Heinz Müller et son club de Mainz a montré qu’il n’existait aucune disposition dans le football allemand pour régir cette question.

Le tribunal de première instance a statué qu’après la reconduction de son contrat, Müller devait avoir un contrat à durée indéterminée. Il appliquait ainsi à la lettre la directive et la loi nationale.

L’affaire a fait énormément de bruit en Allemagne. Le vice président de la fédération allemande de football (DFB) a déclaré qu’il craignait fort que la Bundesliga n’inclue des joueurs de plus de 60 ans s’il fallait que la loi soit appliquée de cette manière.

Le tribunal de deuxième instance a apparemment été impressionné par ces contre-arguments et a décidé que la loi et la directive ne pouvaient s’appliquer au football. Toutefois, les arguments avancés par le tribunal sont loin d’être convaincants. L’affaire étant à nouveau en appel, nous devrons en attendre les résultats.

Analyse

Il est tout d’abord bon d’observer que le gouvernement français en a conclu qu’il faut une législation ou une convention collective pour pouvoir exclure les athlètes professionnels de la législation nationale.

Cela semble être un bon point de départ.

Ceci indique aussi que la décision de la cour d’appel allemande dans l’affaire Müller-Mainz sera au minimum discutable, et sans doute incorrecte.

En deuxième lieu, la directive n’autorise de dérogation que pour des motifs d’abus. Il est évident que la législation française ne vise pas à prévenir les abus. Rien ne démontre qu’il y ait eu le moindre abus.

La clause 5 de la directive stipule que les parties prenantes ont un rôle important à jouer dans le processus décisionnel. Elles sont de fait en mesure d’interpréter les écarts elles-mêmes, sans intervention du gouvernement. Ceci est logique, dans la mesure où un gouvernement ne peut déroger à une loi qu’elle est tenue d’appliquer en vertu de la législation de l’UE.

Conclusion

Il semble évident que la nouvelle loi française n’est pas conforme à la législation de l’UE. Par ailleurs, le fait que le gouvernement français ait jugé nécessaire de créer une nouvelle loi place la décision de la Cour dans l’affaire Müller-Mainz sous un jour différent.

Wil van Megen

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