Hors-jeu !

Posté le 15.09.2017 à 17h01

L’UNFP se dit favorable à la création d’une caisse de solidarité pour les footballeurs, mais elle préfère que l’on ne prélève pas cet argent du montant des transferts, car il lui apparaît plus opportun d’augmenter les pourcentages du mécanisme de solidarité déjà existant, qui permet à un grand nombre de clubs amateurs de voir leur budget s’envoler et leurs efforts en terme de formation récompensés.

L’idée serait plutôt que dix euros soient versés à chaque information erronée, à chaque contre-vérité prononcée, à chaque attaque gratuite contre les footballeurs, à chaque article écrit, interview donnée ou chronique – signée par ceux qui savent -, qui ne servent qu’à provoquer les réactions en chaîne sur les réseaux sociaux, comme la dernière du genre qui se demandait si « les footballeurs étaient radins ». Il paraîtrait qu’ils dorment aussi sur le côté gauche (qu’en pense-t-on à droite ?) et qu’ils n’aiment pas les crevettes (on attend la réaction indignée des syndicats de pêcheurs et les communiqués enthousiastes de leurs homologues bouchers et charcutiers).

Evidemment, cela va faire beaucoup d’argent. Et c’est tant mieux puisqu’il se dit dans les milieux autorisés, chers à Coluche, que 50 pour cent des footballeurs seraient ruinées cinq ans après la fin de leur carrière… C’était bien la peine de leur donner autant d’argent quand ils avaient encore la force de courir après un ballon, puisque leur métier est ainsi résumé par une cohorte de bien-pensants, étouffés d’une jalousie communicative, qui n’affecte néanmoins pas les acteurs, voire les chanteurs, car l’art est affaire d’intellectuels. Eux méritent donc ce qu’ils gagnent parce qu’il n’est pas permis à tout le monde d’être ce qu’ils sont. Alors qu’il est si peu compliqué d’être footballeur professionnel qu’on en dénombre à peine 1 200 en France sur une population de près de 67 millions d’habitants (nous laissons aux intellos le soin de calculer le pourcentage…)

50 pour cent, même pour un footballeur toutefois, c’est la moitié. A quelque chose près, évidemment. Mais la moitié de qui et de quoi ? Pas la moitié des 50 pour cent de footballeurs dans le monde (c’est même un peu plus…), qui ne sont pas payés régulièrement, quand ils le sont. Eux n’ont pas besoin d’attendre cinq ans, ils sont déjà ruinés, et espèrent en des lendemains heureux, simplement parce qu’ils arriveront alors peut-être à subvenir à leurs besoins, voire à ceux de leur famille quand ils en ont une…

50 pour cent de qui et de quoi ? De ceux qui gagnent un peu plus de 800 euros par mois et qui n’ont que de quatre à sept ans de carrière pour entasser, il est vrai, ce fabuleux magot, qu’ils mettront donc moins de temps, pour certains, à dilapider qu’ils ‘en ont mis à l’entasser tels des Harpagon en crampons.

Ne s’agirait-il donc pas plutôt des 50 pour cent des 2 pour cent de pros, toujours d’après l’enquête de la FIFPro, réalisée auprès de 14 000 footballeurs dans le monde l’année dernière, qui gagneraient plus de 600 000 euros par an ?

C’est d’eux qu’il s’agit, forcément ! Donc, un pour cent des footballeurs dans le monde serait ruiné cinq ans après la fin de leur carrière. Des footballeurs nantis, qui gagnent au moins 50 000 euros par mois, ce qui correspondrait au salaire moyen pratiqué dans notre Ligue 1 Conforama, lorsqu’on ne prend pas en compte les exceptions, qui ne s’écrivent d’ailleurs pas toutes en capitales.

Donc, l’argent de la caisse de solidarité ponctionné sur les transferts, sous-entendu les plus gros transferts, ceux des joueurs qui gagnent justement aux alentours de 600 000 euros par an ou plus, serait reversé à la moitié d’entre eux, cinq ans après la fin de leur carrière, comme une espèce de bonus de la dernière chance.

On est loin de l’idée que l’on se fait, traditionnellement, de la solidarité, parfaitement illustrée en France par le pécule de fin de carrière mis en place en 1964 et toujours porté par l’UNFP : sur la base d’un versement au pourcentage égal (et certes plafonné), petits et gros salaires cotisent chaque mois (comme leurs clubs d’ailleurs). A l’arrivée, l’indemnité sera la même pour tous, la différence ne s’opérant qu’au regard du nombre d’années de contrat.

Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, cette fameuse caisse ne viendrait plus au secours des plus déshérités, mais dans les poches – visiblement trouées – de ceux qui pouvaient avoir la chance de s’assurer un avenir tranquille. Et qui ont failli !

On prend aux riches pour redonner à ceux qui le furent. A Sherwood, ça gronde. Chez Mélenchon, aussi.

Et voilà aussi que ressort, serpent de mer à la peau si dure, le fameux salary-cap (en anglais dans le texte) pour ces diables de footballeurs. Il y a les pour et leurs arguments massues (« Parce que non, hein, ça ne peut plus durer ! ») et il y a les contre, au rang desquels se trouvent l’UNFP, la FIFPro et les joueurs qu’elles représentent, favorables au plafonnement de la masse salariale des clubs dans le sens où ils ne peuvent pas dépenser plus d’argent qu’ils n’en gagnent, mais aucunement à titre individuel : « Ou alors, on plafonne le montant des transferts, les salaires des artistes, des stars de la télé, des présidents salariés, plaisante Philippe Piat, le coprésident de l’UNFP et président de la FIFPro. Ce sont les joueurs qui créent le spectacle, c’est pour les voir sur le terrain que les télés payent, pour leur talent, C’est pour leur image que les sponsors affluent, ce qu’ils gagnent n’est donc qu’un juste retour de ce qu’ils produisent en terme de spectacle. En France, le football, c’est les dix meilleures audiences de l’histoire de la télévision. Au niveau mondial, une étude a montré, il y a deux ans, que l’activité économique du football représentait plus de 700 milliards de dollars, ce qui placerait le ballon rond au 20e rang mondial s’il était comparé au PIB généré par un pays, devançant ainsi la Suisse ! »

« Philippe a raison : si l’on veut parler des chiffres, et sans entrer dans des querelles sans fin, il ne faut pas donner que des chiffres à charge, si tant est que le salaire d’un joueur puisse en être un. Il faut également rappeler le poids économique du football, les emplois qu’ils génèrent et les passions, vraies, qu’il fait naître. De la même façon, généraliser à partir d’une rumeur pour induire l’idée que les footballeurs sont radins, c’est passer sous silence leur engagement, eux qui soutiennent un grand nombre d’associations, quand ils ne le créent pas eux-mêmes, qui donnent du temps et de l’argent pour les autres, pour la société.

« Nous savons, conclut Sylvain Kastendeuch, coprésident de l’UNFP, que beaucoup préfèrent parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure, mais à quoi sert-il de charger ainsi systématiquement les footballeurs et le football ? Bien sûr, on pourra toujours trouver un exemple ici ou là pour étayer une critique, car les joueurs sont des hommes et ne sont donc pas parfaits. Mais faudra-t-il à chaque fois que l’on en montre un du doigt, que nous en livrions cent pour rétablir la vérité, pour donner du footballeur l’image qui est la sienne, et non celle déformée, fantasmée qui lui colle à la peau ? »

 

Franck Béria, parrain de l'association Stand Hope.

Franck Béria, parrain de l’association Stand Hope.

 

Il faudrait s’y faire, mais nous ne nous y faisons pas : le transfert de Neymar, et celui de Mbappé a rouvert en France la boîte à fantasmes… et celle de Pandore par-dessus le marché, si nous nous laissions prendre au piège, comme une partie importante du grand public, qui n’en finit pas d’être trompé. Un public, saoulé des poncifs qui ressurgissent de plus en plus régulièrement désormais et d’autant plus que le foot fait vendre, parce qu’il faut occuper le terrain, tenir le ballon…

Attaquer, attaquer à tout-va, au risque – mais qui s’en préoccupe à part l’UNFP ? – d’être systématiquement hors-jeu !

L’UNFP

Florian Thauvin donne de son temps, pour le Secours Populaire, notamment...
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