Johan Cavalli ou l’art de la transmission…

Posté le 27.11.2017 à 09h37

A 36 ans, Johan Cavalli, l’emblématique capitaine et meneur de jeu de l’AC Ajaccio, a disputé vendredi son deux-centième match sous les couleurs du club insulaire. L’occasion était belle de revenir sur une carrière, débutée à l’aube des années 2000…

BORDEAUX-AJACCIO

Johan, aurais-tu imaginé réaliser une carrière aussi longue au moment où elle a débuté?

« Pas du tout ! J’entame ma dix-septième saison chez les professionnels. Cela représente un certain nombre de matches, d’entraînements, de blessures, de moments de doute, mais surtout de bonheur. Cela a été une belle fierté de pouvoir jouer ce match de prestige, à la maison vendredi, dans ma ville d’origine et d’entrer, devant les supporters, dans le livre des records de l’ACA. Si j’ai évidemment connu des hauts et des bas, comme dans toutes les carrières, je prends toujours autant de plaisir, sans doute parce que la passion est restée identique à celle qui m’animait à mes débuts. J’espère continuer aussi longtemps que mon corps me le permettra.

« UN OBJECTIF, DEVENIR PROFESSIONNEL »

Justement, quels sont les ingrédients qui t’ont permis de durer aussi longtemps?

Le principal critère, c’est mon hygiène de vie au quotidien, il n’y pas de secret. L’exigence d’une carrière professionnelle est énorme. Quand j’étais au centre de formation, j’ai fait beaucoup de sacrifices. Je me suis privé de nombreuses sorties entre amis, les week-ends, l’été ou pendant les vacances. Je n’avais qu’un objectif : devenir professionnel. Cette rigueur me permet d’être encore en pleine possession de mes moyens et d’avoir le bonheur de pratiquer tous les jours ce que j’aime le plus au monde, le football.

MAGAZINE FAMILLE CAVALLI

Les Cavalli père et fils

Tu as effectué ta formation à Nantes pendant neuf années. Était-ce une période compliquée à vivre, ainsi éloigné de ta famille?

Ça n’a pas été trop difficile pour moi, même s’il n’est jamais évident d’avoir à quitter ses parents à 13 ans. Mais l’amour pour le football que je nourrissais depuis mon plus jeune âge n’a fait que grandir en moi au fil des années. J’avais la chance de pouvoir accomplir mon rêve, et de surcroît dans l’un des meilleurs centres de formation de France. Alors, tout le reste me passait au-dessus de la tête.

Que retiens-tu de tes années à la Jonelière, qui reste une référence, avec notamment les fameux principes du jeu à la nantaise ?

Même si je n’ai pas eu la chance de passer le cap professionnel à Nantes, il n’en reste pas moins que c’est l’endroit où je suis devenu un footballeur et un homme. J’ai appris les bases fondamentales du football. Elles m’accompagnent depuis toutes ces années sur les terrains. C’était une belle école.

« UN PETIT PONT A PAULETA POUR MON PREMIER MATCH PRO ! »

Te souviens-tu de ton premier match pro ?

Comme si c’était hier ! J’ai  été prêté par Nantes à Lorient lors du mercato d’hiver en 2002. Pour mon premier match, je suis remplaçant à Bordeaux. A la 35e minute, un joueur se blesse et je le remplace. Je récupère un ballon au milieu de terrain et, dans la foulée, je fais un petit pont à Pauleta. Cela m’a mis tout de suite dans le bain (rires). Je suis tellement rentré à fond qu’à la 85e, j’avais des crampes. C’est un très grand souvenir.

ORLEANS-AC AJACCIO (0-0)

Après Lorient, tu pars à Créteil pour deux saisons, puis à l’étranger à Majorque et à Watford. Qu’as-tu retenu de ces deux dernières expériences ?

Des moments un peu compliqués pour moi, un peu plus en Espagne qu’en Angleterre d’ailleurs. Mais malgré la relative déception sur le terrain, ces expériences m’ont forgées le caractère et ouvert l’esprit. J’ai appris des langues, découvert de nouvelles cultures. Cela m’a forcément servi que ce soit dans ma carrière de footballeur ou dans ma vie d’homme. Je n’en retiens que les bonnes choses.

Qu’est-ce qui t’as manqué pour t’imposer dans ces championnats ?

Quand j’ai signé à Majorque après six mois de négociation, le coach de l’époque, Luis Aragones, qui me voulait absolument, a quitté le club pour prendre en main la sélection espagnole. Hector Cuper l’a remplacé en provenance de l’Inter Milan, avec deux milieux dans ses bagages, dont l’un jouait à mon poste de meneur de jeu, Francisco Farinos. Je n’ai pas eu ma chance, tout simplement.

« TRANSMETTRE LES VALEURS HUMAINES ET LES VALEURS DU CLUB »

Et en Angleterre ?

Mon expérience à Watford a été plutôt positive. Je suis arrivé lors du mercato hivernal. J’avais la confiance du coach, qui m’a aligné une dizaine de fois. Mais l’équipe a finalement été reléguée à la fin de saison. L’année suivante en Championship (deuxième division anglaise) a été beaucoup plus compliquée. Je me suis tout de suite rendu compte que ce championnat n’était vraiment pas fait pour mon style de jeu. C’était beaucoup de ballons en l’air, de combats, de duels aériens. J’ai fait jouer ma clause libératoire et j’ai quitté le club dans la foulée.

Après un passage par la Belgique et trois saisons à Nîmes,  te voilà de retour chez toi à Ajaccio en 2010, avec en prime, la montée dès ton arrivée…

C’était un vrai rêve, parce que je venais d’effectuer trois saisons pleines à Nîmes et je devais confirmer à Ajaccio. C’est toujours difficile de s’imposer chez soi, dans sa ville. Les gens attendent beaucoup de toi, mais nul n’est prophète en son pays. Nous réalisons finalement une saison extraordinaire et nous accédons à la Ligue 1.  J’en garde un souvenir exceptionnel.

AJACCIO-PSG (1-3)

Tu es le capitaine de l’équipe depuis quelques saisons, que signifie ce rôle pour toi ?

Le capitaine se doit dans un premier temps d’être exemplaire, que ce soit sur ou en dehors du terrain, sinon il n’est pas crédible. Ensuite, il faut savoir gérer les bons moments, tempérer les ardeurs, mais aussi gérer les mauvais moments, c’est ce qui est plus difficile. Mon rôle est également de transmettre les valeurs humaines, les valeurs du club que ce soit aux jeunes ou aux joueurs qui arrivent.

« REDORER LE BLASON DES FOOTBALLEURS, UN COMBAT COLLECTIF »

Penses-tu que le métier de footballeur est plus dur aujourd’hui qu’à l’époque où tu as débuté ?

Non, mais il faut faire attention à plus de choses aujourd’hui. Les joueurs sont beaucoup plus exposés. Les médias sont omniprésents. C’est un fait que nous devons savoir gérer. Mais certains joueurs sont parfois trop présents sur les réseaux sociaux et ne se rendent pas compte des impacts négatifs que certains comportements peuvent entraîner. Des carrières peuvent se briser du jour au lendemain. Nous devons être beaucoup plus rigoureux et attentifs.

L’UNFP a présenté lors de la dernière assemblée générale son projet politique, qui vise à réhabiliter l’image des footballeurs et à mettre en avant son engagement dans la société. C’est une nécessité selon toi ? L’image des footballeurs est-elle à ce point dégradée ?

On est toujours forcément agacé quand les médias généralisent les écarts de certains à toute une profession. Et d’ailleurs, à ce petit jeu, ils ne nous épargnent guère. Nous sommes conscients que notre n’image n’est pas la meilleure qui soit. C’est ensemble et collectivement que nous devrons mener ce combat pour redorer le blason de notre profession. Le soutien de l’UNFP sera donc important.

AJACCIO - BASTIA (0-0)

« DEMAIN, UNE CARRIÈRE D’ENTRAINEUR »

L’engagement dans le monde associatif est quelque chose qui te tient à cœur depuis quelques années  déjà…

Cela fait un moment que je suis investi dans l’association de mon ami Richard Martini, l’ancien défenseur de l’Olympique de Marseille, « Tous unis pour Mélissa ». La fille de Richard est atteinte d’une maladie rare. On essaie de récupérer des maillots pour les vendre aux enchères et récolter un maximum de fonds. J’ai d’ailleurs rencontré David Ducourtioux (qui vient d’arrêter sa carrière et prépare sa reconversion au sein de l’UNFP en tant Délégué engagement sociétal), pour voir avec lui comment m’engager un peu plus avec des associations ou, pourquoi pas même, créer la mienne.

Penses-tu déjà à l’après terrain ?

 J’ai même déjà une idée assez précise. J’ai envie de rester dans ce que ce je sais faire et que j’ai fait toute ma vie. Le football est ma passion, et je vais mettre tous les atouts de mon côté, passer mes diplômes et me lancer dans une carrière d’entraîneur. Aujourd’hui, je suis bien sur le terrain, je vis mon rêve de gosse tous les jours, et je vais faire la maximum pour prolonger l’aventure le plus longtemps possible.

Tu es l’un des délégués de l’UNFP depuis une dizaine d’années. En quoi ce rôle te tient-il à cœur ?

Bien évidemment, parce que c’est un projet collectif et que je suis dans la transmission, comme sur le terrain. Les lois et règlements évoluent sans cesse, le monde du football devient de plus en plus compliqué, mais il est essentiel que nous restions maîtres de notre destin. Il est important pour moi  de transmettre, de prévenir et d’alerter les plus jeunes, comme Matteo Tramoni, qui a 17 ans et qui pourrait être mon fils, des conséquences de certaines décisions. C’est le sens de mon engagement avec l’UNFP. »

QUESTIONNAIRE DECALE

Le joueur qui t’as le plus inspiré

Maradonna

Ton meilleur souvenir sur le terrain

Mon doublé à Toulouse, l’année de la remontée avec l’ACA

Celui qui te laisse le plus de regret

Je ne vis ni avec des regrets, ni avec des remords, mais mon plus mauvais moment c’est quand même ma blessure à Nîmes, quand je me fais les croisés.

Le conseil que Johan Cavalli aujourd’hui pourrait donner à celui avait 12-13 ans à l’époque

Garde ton caractère mais fais quand même attention à y mettre de temps en temps quelques nuances.

Le sport que tu aimes pratiquer en dehors du foot

Le tennis

Quelle personnalité aurais-tu aimé pouvoir rencontrer une fois dans ta vie

L’immense roi Pelé

La musique que tu écoutes avant un match

Je fais un medley entre des chansons corses et une playlist que me prépare ma fille

Un spot incontournable à Ajaccio

La route des Sanguinaires

Le joueur le plus talentueux avec lequel tu as évolué

Jean-Claude Darcheville lors de ma première année à Lorient, il était tout simplement incroyable.

Ton stade préféré en dehors de celui de l’ACA

Le Camp Nou

Si tu n’étais pas footballeur, dans quel milieu évoluerais-tu  ?

Sincèrement, il n’y a que le football qui comptait quand j’étais jeune, et j’ai eu pourtant de nombreuses discussions avec mes parents qui me disaient  « oui, mais si tu n’y arrives pas ». J’étais tellement obstiné, que je n’ai pensé qu’à ça.

Un pays que tu as très envie de découvrir

On en parlait récemment avec Jean-Louis Leca et c’est la Laponie. Des paysages féériques en cette période de Noël

Ta série TV du moment

Empire

Ton film culte

L’aventure c’est l’aventure, de Claude Lelouch

Ton  livre de chevet

Oscar et la dame rose d’Eric Emmanuel Schmitt, qui est magnifique

Ta devise

C’est celle que j’ai vu pendant tant d’années en allant au réfectoire à Nantes « celui qui renonce à devenir meilleur a déjà cessé d’être bon ».

 

Recueillis par Philippe Rossi.

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