Gaël Sanz et le vieux t-shirt de David Ginola…

Posté le 16.03.2018 à 16h39

De son premier match avec les pros, l’ancien capitaine emblématique de l’ESTAC Troyes, Gaël Sanz, qui a définitivement rangé les crampons en 2011, et est désormais chargé de clientèle au sein d’Europ Sports Assur, garde un souvenir inaltérable. En 1994, à peine âgé de 17 ans, Gaël connaît pour son baptême du feu dans l’élite la ferveur des 40 000 spectateurs du Parc des Princes, face au Paris Saint-Germain des années 90…

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« Gaël, comment es-tu passé aussi vite de la réserve du LOSC au Parc des Princes ?

C’était en 1994, j’avais 17 ans et j’étais au centre de formation de Lille. Je ne m’entraînais pas encore avec les pros. Confronté à une cascade de blessures parmi les défenseurs, Jean Fernandez, l’entraîneur, vient observer un match de la réserve. Je pensais qu’il était là pour superviser des joueurs plus âgés et plus aguerris que moi, mais finalement, j’ai dû lui faire bonne impression, et il décide de m’intégrer au groupe des pros, dès le lundi suivant.

Comment se passe ta semaine ?

Très bien, je me fonds rapidement dans le moule. Les pros m’ont accueilli avec beaucoup de bienveillance. La semaine passe très vite, et je prends vraiment beaucoup de plaisir. Le vendredi, veille de match contre le Paris Saint-Germain, le coach me convoque dans son bureau. Il m’annonce entre quatre yeux, et avec un grand sourire, que je serai du déplacement avec le groupe le lendemain.

« Je vis un rêve éveillé »

Tu t’y attendais ?

Vraiment pas ! C’est la cerise sur le gâteau, qui va conclure cette belle semaine. Je vis alors comme dans un rêve éveillé.

Comment se passe pendant la soirée, la veille du match ?

Je rentre dans ma chambre du centre de formation. Tous mes camarades sont à mes côtés et me félicitent. J’appelle aussi mes parents, qui sont dans un état pas possible. Je me dis que le rêve commence, que cela devient possible. Je prépare tranquillement mes affaires, sans me douter de ce qui va se passer le lendemain…

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Direction la capitale…

On part en bus le samedi matin, et après avoir déposé nos à affaires l’hôtel, on effectue la traditionnelle promenade dans les rues de Paris. Toute la journée, les anciens me chambrent gentiment, notamment Yambo Etschele, le boute-en-train du groupe. Il me dit : « Gaël, attention ce soir…», avec un petit sourire en coin. Les cadres savaient que j’allais débuter, le coach les avait mis dans la confidence… Je suis un peu naïf, et je ne comprends pas sur le moment pourquoi ils insistent tant. Après la collation, le coach fait sa causerie et donne la composition de l’équipe. Je me vois titulaire au poste d’arrière droit, parce qu’à l’époque j’allais encore vite (rires), et là, c’est le choc !

Quels sont les mots de Jean Fernandez ?

Il me parle comme si j’étais dans le groupe depuis longtemps et me donne des consigne simples : « Gaël, tu vas aider nos actions, rentrer à l’intérieur et prendre David Ginola au marquage, je ne veux pas le voir !». Je réalise que je vais fouler la pelouse du Parc quelques heures plus tard et la pression m’envahit d’un coup ! Je commence à trembler, mon cœur bat la chamade. On va quand même rencontrer le PSG de la grande époque, avec son quatuor magique, qui a fait rêver la France, voire l’Europe entière : Raï, Valdo, Weah, Ginola… C’est dingue !

Ton entrée au Parc des Princes, j’imagine que c’est un souvenir incroyable ?

C’est clair, l’ambiance du Parc, c’est un moment exceptionnel à vivre. J’ai les jambes, qui flageolent quand je rentre sur le terrain. Je me sens terriblement oppressé. J’entends encore le public scander le nom de David Ginola, et ça raisonne dans tout le stade. J’en ai encore des frissons ! A l’échauffement, le rôle des anciens est crucial. Christian Perez, ancien international et ancien joueur du PSG, me parle, me rassure avec des paroles simples, qui m’aident à dédramatiser la situation, mais mes jambes tremblent encore (rires) !

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Tu te souviens de ton premier ballon ?

Je me souviens surtout de ma première action. J’ai du mal à entrer dans le match, je suis trop en dedans, trop timoré. Je mets un gros tampon à David Ginola sur le côté, à la limite de la régularité…L’arbitre vient tout de suite me réprimander sans me donner un carton jaune. J’avais besoin de cette première action, de ce premier avertissement, de cette décharge d’adrénaline pour enfin entrer dans mon match.

« Je suis DÉJÀ très émoussé physiquement à la mi-temps ! »

Paris déroule…

En effet, le match est très compliqué pour nous. Nous sommes menés 2 à 0 à la mi-temps. Paris maîtrise parfaitement la rencontre. Nous avons dû approcher deux fois de la surface de réparation adverse en tout et pour tout. Je ressens vraiment la différence d’intensité physique entre les matches avec la réserve en D3, et le très haut niveau au sein de l’élite. Déjà, à la pause, j’étais très émoussé physiquement.

Tu découvres aussi ce que c’est que d’aller au contact avec George Weah…

Complètement…sur le corner qui amène le premier but parisien, je suis au marquage de George, j’essaye tant bien que mal de le ceinturer, mais il est tellement puissant qu’il saute avec moi sur son dos et catapulte le ballon au fond des filets comme si de rien n’était. Il avait une puissance athlétique comme j’en ai rarement vue dans ma carrière !

David Ginola sous le... t-shirt du PSG !

David Ginola sous le… t-shirt du PSG !

Que ressens-tu à la fin du match ?

Dans le vestiaire, alors que nous venions de nous incliner 3 à 0, je suis dégoutté. Les anciens me réconfortent, me tapent sur l’épaule. Avec le recul, je pense avoir fait un match propre, sans erreur grossière. En prenant ma douche, je me dis que je dois absolument récupérer le maillot de David Ginola ! Je me dépêche, je l’attends près du bus des visiteurs. Il vient vers moi, s’arrête gentiment. Il n’a plus son maillot, mais il lui reste un vieux t-shirt d’échauffement qu’il prend dans ses mains. Il me le dédicace, et, en même temps qu’il me le donne, il m’encourage pour la suite. Je suis comme un fou, je me dis que je vais rentrer au centre et le montrer à tous mes potes (rires) !

Tes parents étaient au stade pour ta première ?

Ils habitaient dans les Ardennes, et travaillaient ce samedi-là. Ils ont écouté le match à la radio. A l’époque, on n’avait pas de portable, et j’ai dû attendre de rentrer au centre pour appeler ma mère. Au final, je n’ai même pas pu leur parler parce qu’ils dormaient (rires) !

« A 17, 18 ou 19 ans, on doit accumuler de l’expérience et enchainer les matches, c’est essentiel ! »

Toi, tu as réussi à trouver le sommeil ?

La nuit a été assez courte. On est arrivé au centre vers 1 heure du matin, et tous mes potes m’attendaient. On a passé presque toute la nuit à refaire la rencontre, parce qu’ils avaient écouté le match à la radio. C’est un super souvenir.

Le lundi, tu reprends le chemin du lycée…

Et oui, le matin je m’entraîne avec les pros et l’après-midi, je retourne sur les bancs de l’école. J’arrive tranquillement avec mon petit sac à dos vers 14 heures, et dès que je franchis la grille d’entrée, tout le bahut m’applaudit, les professeurs, les élèves, j’hallucine complètement. Ça reste mon plus beau souvenir.

Avec le recul, tu penses que ce match t’as plutôt servi ou desservi ?

Il faut se remettre dans le contexte. A l’époque, il était très difficile de signer un contrat pro. J’ai connu beaucoup de difficultés par la suite, des hauts, des bas, des changements d’entraîneurs à répétition. J’ai dû faire une cinquantaine de matches lors de mes trois années stagiaire, et j’ai finalement signé pro une année avec Lille. Si j’ai un conseil à donner aux jeunes qui sont dans la situation que j’ai connue, et il y en beaucoup en France aujourd’hui, demandez à votre coach d’aller jouer en réserve, même si vous êtes sur le banc avec les pros. A 17, 18 ou 19 ans, on doit accumuler de l’expérience et enchaîner les matches. C’est essentiel.

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C’était déjà ce conseil que tu donnais aux jeunes quand tu étais encore joueur et capitaine ?

J’ai souvent été, il est vrai, capitaine durant ma carrière, je me suis donc souvent adressé aux jeunes pour les aider, les conseiller. La transmission des valeurs, le passage du flambeau, ce sont des choses importantes à mes yeux. Quand j’ai débuté ma carrière, il y avait plus d’anciens que de jeunes dans les effectifs. Vers la fin, c’était l’inverse et j’ai dû m’adapter à ce changement de génération dans le vestiaire. Tout naturellement, j’ai tenu le rôle de grand frère…

Avec un joueur en particulier ?

Pas forcément, même si j’ai eu plus d’affinités par exemple avec Djibril Sidibé, à Troyes, puisqu’il a progressivement et logiquement pris ma place sur le terrain vers la fin. C’était un jeune que j’appréciais beaucoup, très attachant, avec des qualités physiques impressionnantes. J’ai essayé de le rassurer, à l’entraînement, en match, en lui disant des choses simples, comme les anciens l’avaient fait avec moi. Il a fait un bon petit bout de chemin depuis, non ? (rires). »

Recueillis par Philippe Rossi.

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