Laurent Pionnier «Un homme épanoui sera un meilleur joueur !»

Posté le 06.06.2018 à 10h49

Laurent Pionnier, emblématique gardien du Montpellier Hérault et membre du comité directeur de l’UNFP, est engagé depuis plusieurs années au côté de l’association Espace Renaissance, qui vient en aide aux parents d’enfants hospitalisés. Une vente aux enchères de maillots et de gants dédicacés pour récolter des fonds aura lieu ce mercredi 6 juin à la Grande-Motte. Coup de projecteur avec un joueur particulièrement engagé…

MONTPELLIER-CAEN (1-0)

« Laurent, quel est le sens de ton engagement au côté de cette association ?

Espace Renaissance est une association qui me tient particulièrement à cœur. Son rôle est essentiel auprès des parents dont les enfants sont hospitalisés plus ou moins longtemps. On a la chance d’avoir à Montpellier un pôle médical pédiatrique de pointe, qui prend en charge des enfants de toute la région. Mais pour les parents, qui viennent parfois de très loin, et de différents milieux sociaux, se loger tient du casse-tête. Parfois insoluble. J’en ai vus certains dormir la nuit sur le parking de l’hôpital parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement. L’hôtel coûte trop cher, et il est impossible pour les parents de laisser leurs enfants tout seul à l’hôpital. Le but de cette association, c’est d’influer dans le milieu économique local pour récupérer des terrains et construire des maisons pour les mettre à disposition des familles.

Comment as-tu pris conscience de ce problème ?

Nous rendons visite depuis plus d’une quinzaine d’années, avec le Montpellier Hérault, aux enfants malades et j’ai pu constater cette bien triste réalité en discutant avec les parents. Il est primordial d’être à la pointe de la technologie pour soigner les enfants, mais il convient, dans le même temps, d’apporter une réponse aux problèmes de logement rencontrés par les familles. C’est tout naturellement que j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice. J’ai rencontré le président de l’association, Joël Fernandez, qui m’a expliqué en profondeur ce problème. J’ai dit banco, on fonce! J’espère faire prendre conscience de la gravité de la situation au plus grand nombre.

Toute la saison, tu as récupéré des maillots et des gants des gardiens de but…

J’essaie d’en obtenir le plus possible pour l’association, qui les vend aux enchères pour financer des projets. Dernièrement, je faisais le point avec le président, et je lui racontais le bonheur d’avoir eu des réponses positives de joueurs emblématiques comme Thomas Lemar à Monaco, ou Dante à Nice. Et puis, en discutant, nous avons eu l’idée de faire une opération spécifique avec les gardiens de but, car nous sommes une corporation un peu à part, très solidaire…

MAILLOTS PIONNIER OK

Ce n’est donc pas qu’une légende…

 C’est une réalité ! J’en ai du coup parlé à mon partenaire UHLSPORT, qui équipe une majorité de gardiens de notre championnat, et qui m’a proposé son aide immédiatement. Nous avons réussi à récupérer une paire dédicacée de chaque gardien sponsorisé comme moi. Je tiens vraiment à les remercier pour leur participation : Alphonse Aréola (PSG) , Danijel Subasic (Monaco), Steve Mandanda (Marseille), Anthony Lopes (Lyon), Benjamin Lecomte (Montpellier), Benoît Costil (Bordeaux), Mathieu Georgelin (Lyon), Walter Benitez (Nice), Stéphane Ruffier (Saint-Etienne), Régis Gurtner (Amiens) et Alban Lafont (Toulouse). D’ailleurs, je voudrais rajouter que Stéphane a une image dans les médias qui ne reflète pas du tout qui il est réellement et c’est vraiment regrettable. C’est un mec formidable dans la vie, qui n’a pas hésité une seconde à nous donner ses gants et son maillot.

Mercredi soir, c’est le point d’orgue de cette opération avec la vente aux enchères…

Oui, ce sera au Casino de la Grande-Motte. On va mettre aux enchères beaucoup de maillots, dont celui d’Olivier Giroud ou encore de Kélian Galletier, joueur de rugby international de Montpellier. Nous avons fait encadrer les douze gants dédicacés des gardiens dans deux tableaux somptueux. Ils ont été réalisés par des travailleurs en situation de handicap des « Ateliers Kennedy » de Montpellier. Ils ont fait du travail d’orfèvre, c’est vraiment magnifique. Quand ils ont vu arriver les gants, les garçons avaient peur au départ de ne pas savoir quoi faire. Je leur ai expliqué notre idée et ils n’ont eu qu’une envie : celle de s’y mettre le plus rapidement possible. Le résultat est juste sublime. J’ai hâte de faire découvrir ces deux œuvres au plus grand nombre, c’est une belle fierté.

TABLEAU PIONNIER

On s’aperçoit, depuis quelques semaines, que les joueurs n’hésitent plus à mettre en avant leurs actions sociales…

Je remercie d’ailleurs l’UNFP pour avoir osé casser les codes et pris le parti de mettre en avant notre engagement dans les associations. Il est grand temps de faire savoir ce que nous réalisons, depuis plusieurs années dans l’ombre, pour une grande majorité d’entre nous. Nous avons désormais avec le mouvement Positive Football une vitrine et un outil unique pour médiatiser ce que nous faisons.

J’imagine que tu dois en avoir assez, plus qu’assez même, d’entendre les traditionnels poncifs éculés sur les footballeurs…

Aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression, en tant que joueur, que seules la polémique et les choses négatives intéressent les médias. Le mouvement Positive Football va dans le bon sens. J’espère que les médias suivront en se disant qu’il n’y a pas que les mauvais côtés qu’il faut médiatiser. On ne cherche pas à se mettre en avant personnellement, mais plutôt à médiatiser les causes et les associations qui nous tiennent à cœur.

GROUPE PIONNIER OK FLOU

Certains joueurs réalisent de nombreuses choses et hésitent toujours à faire connaître leurs actions…

Je connais très bien Rémy Cabella, par exemple. Il fuit toute médiatisation, et pourtant il s’investit beaucoup et on ne le sait pas. Je vais faire parler d’une opération pour la première fois de ma carrière, alors que j’ai 36 ans, parce que je suis convaincu qu’il faut désormais faire bouger les lignes. Cette image du joueur de football me fatigue. Je vois tellement de belles choses que je trouve déplorable de devoir être réduit à tel ou à tel autre fait divers. Cela fait sûrement moins vendre de montrer un joueur qui s’investit socialement, qu’un footballeur qui s’accroche avec un arbitre, qui tacle violemment un adversaire ou qui refuse telle ou telle sélection. Beaucoup de joueurs s’investissent dans de beaux projets et je trouve dommage que cela ne se sache pas plus.

Médiatiser les opérations, cela peut aussi donner aussi envie aux autres de s’investir, cela peut susciter des vocations…

On peut faire des choses très simples avec une portée énorme. Nous avons un impact sur la société qui dépasse de très loin ce que nous pouvons en penser. C’est pourquoi il faut l’alimenter, l’utiliser pour le bien du plus grand nombre. Nous devons porter des causes, soutenir un maximum d’associations et de projets. Nous avons aussi le devoir de montrer aux jeunes générations que l’on peut aussi s’épanouir en s’engageant pour les autres. Je suis convaincu que plus le joueur sera épanoui en tant qu’homme, meilleur il sera sur le terrain. Un homme épanoui sera un meilleur joueur ! Transmettre ce message est essentiel, à nous d’en être les garants ! »

Recueillis par Philippe Rossi

Malik Couturier et Laurent Pionnier, membres du Comitié directeur...