LAURENT PIONNIER « Faire évoluer leur statut… »

Posté le 04.06.2019 à 08h52

Désormais retraité des terrains depuis la fin de la saison dernière, c’est au sein de l’UNFP et de son département juridique que Laurent Pionnier, l’ancien gardien emblématique du Montpellier Hérault, a entamé sa seconde carrière avec deux missions principales : les élections professionnelles ainsi que le développement et l’accompagnement des féminines. A quelques jours du début de la Coupe du monde féminine, le sujet de notre interview est du même coup facile à deviner…

Laurent Pionnier et Camille Delzant avec les Dijonnaises…

« Laurent, en quoi consiste ta mission avec les féminines au quotidien ?

Mon rôle est d’aider au développement du football féminin en général. Je suis là pour écouter les joueuses, leur apporter des réponses, trouver avec elles des solutions pérennes. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles évoluent encore dans des conditions assez précaires, certaines ont encore le statut amateur, même si le nombre de contrats – le contrat fédéral, Ndlr – est en augmentation constante.

Le chemin est encore long pour faire bouger les lignes ?

Il faut déjà comprendre que même si rien n’est comparable aujourd’hui entre le statut du joueur et de la joueuse, l’UNFP a une très grande expérience et une expertise que personne ne saurait lui contester. Nous devons tirer les leçons de tout le travail qui a été réalisé pour les garçons, des longues batailles menées et gagnées année après année, et actionner les mêmes leviers pour faire évoluer le statut des filles. Notre volonté n’est pas d’aller vite, mais de bien faire les choses. Nous ne sommes pas des sprinters, mais des marathoniens. La vision est la même pourtant, c’est l’évolution du statut.

« nous sommes là uniquement dans leur intérêt »

Un premier axe de travail, c’est celui de la proximité avec les joueuses, une tâche à laquelle vous vous attelez Charlie Sorin, Camille Delzant et toi, au sein du groupe de travail sur le football au féminin au sein de l’UNFP. En quoi est-ce important d’être au plus près des joueuses sur le terrain ?

Quand je suis arrivé en septembre dernier, Camille et Charlie avaient déjà réalisé un travail considérable, multipliant les visites aux joueuses pour cette saison. Cette proximité, cette volonté d’être au contact des joueuses est essentielle. Elle nous permet de comprendre déjà ce dont les filles ont besoin, de connaître leurs attentes, leurs problèmes. Ces échanges nous permettent aussi de partager notre vision avec elles, d’être sur la même longueur d’ondes de ce qu’il faut changer, de ce qui doit évoluer, de leur montrer des actions concrètes. Elles ont bien compris que nous sommes là uniquement dans leur intérêt. Évidemment, même si cela prend énormément de temps et que cela nécessite beaucoup de présence sur le terrain, de temps passé sur les routes, notre récompense, c’est l’accueil que les filles nous réservent et la qualité de nos échanges.

J’imagine que le travail de développement de la section féminine réalisé par Louis Nicollin au MHSC n’avait pas dû te laisser insensible et a dû t’inspirer dans ta nouvelle activité…

Loulou a été un visionnaire ! Le football conjugué au féminin a toujours été important à ses yeux et j’ai pu assister à la structuration, étape par étape, de la section au MHSC quand j’évoluais au club, à une période où l’on en parlait beaucoup moins. Il a toujours fait partager aux joueurs ce qu’il voulait mettre en place chez les filles. J’ai regardé leurs matches avec beaucoup de plaisir, et puis nous avons toujours été associés aux filles avec les opérations commerciales ou de communication du club. Grâce à cette sensibilisation très précoce, j’ai pris conscience que tout le travail réalisé par Loulou mais aussi de tout ce qu’il est nécessaire de mettre en place pour que les choses évoluent dans le bon sens pour les filles.

Quel regard porte l’ancien joueur pro sur le foot conjugué au féminin ?

Il y a une réelle évolution au niveau médiatique, puisque les matches sont aujourd’hui diffusés à la télévision et le grand public s’y intéresse de plus en plus. Sur le terrain, les progrès sont considérables. Des projets de jeu ont été mis en place depuis trois ou quatre ans par des entraîneurs, dont certains que j’ai pu côtoyer sur le terrain, qui sont des personnes formidables. Le spectacle est de qualité, avec une technique plus développée, même s’il y a encore des progrès à faire. Tactiquement, le niveau est monté de plusieurs crans et cette dimension est de plus en plus intéressante à analyser sur les rencontres.

« des spectateurs attentifs et des supporters passionnés »

La pratique du foot chez les filles est aujourd’hui complètement décomplexée…

J’irai même plus loin, quand j’amène mon fils de 10 ans à l’entraînement dans un club que je connais bien (rires), il y a à côté des équipes féminines du même âge et les filles sont ravies de faire ce sport ! Elles s’identifient à la fois aux joueuses de la D1 féminine et aux joueurs de Ligue 1, c’est génial ! On est finalement sur le même créneau, celui de la passion du sport en lui-même. C’est une évolution qui va dans le bon sens, car il y a quelques années encore, c’était un cap à franchir pour une fille de pousser les portes d’un club. Ces barrières ont disparu et nous devons nous en féliciter. Il reste encore un dernier cap à franchir chez certains parents, qui peuvent encore nourrir certaines réticences, mais plus les mentalités vont évoluer, plus la pratique va se démocratiser.

Un mot pour finir sur la Coupe du monde qui va débuter le 07 juin prochain…

La Coupe du monde est une occasion exceptionnelle de mettre encore plus en lumière le jeu et les joueuses. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas puisque les stades seront pleins. Les médias seront au rendez-vous et on sent poindre cette effervescence à quelques jours du coup d’envoi de ce mondial. On espère vraiment que nos Bleues iront le plus loin possible dans la compétition. Nous serons des spectateurs attentifs et des supporters passionnés ! »

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