« Il faudra un grain de folie… »

Posté le 26.06.2019 à 13h36

Une fois la Coupe du monde terminée, Sarah M’Barek devrait s’envoler pour Djibouti et devenir la sélectionneure de l’équipe nationale féminine, tout en ayant la charge d’organiser la préformation et la formation de jeunes joueuses au talent aujourd’hui encore brut. Mais avant de relever ce challenge, et comme l’ancienne internationale le fait pour nombre de médias, elle pose pour nous son œil averti sur une compétition dont elle ne rate pas une miette. Pour l’ancienne entraîneure de Montpellier et de Guingamp, ce mondial a toutes les chances de sourire aux Bleues, qui ont ce vendredi, rendez-vous avec l’ogre américain, les championnes du monde en titre…

 

« Après les 44 premières rencontres de la Coupe du monde, comment jugez-vous l’évolution du jeu ?

Ceux qui découvrent le football au féminin ne doivent pas être déçus. Toutes les équipes ont progressé, notamment tactiquement et le fossé entre les petites nations et celles réputées plus fortes se comble, si l’on excepte la démonstration des Américaines pour leur entrée dans la compétition et le 13-0 infligé à la Thaïlande.

Dans quel domaine, ces progrès sont-ils les plus significatifs ?

Les filles, techniquement, ont toujours eu un bon niveau et elles l’ont confirmé durant ces trois premières semaines. Ce qui a changé, c’est que le jeu est beaucoup plus rapide. Au niveau athlétique, cela n’a plus rien à voir avec ce que j’ai pu connaître ou même avec la dernière Coupe du monde. Les joueuses, toutes les joueuses, sont des athlètes de haut niveau. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’avoir un bon bagage technique. Si le physique ne suit pas, vous n’existez pas sur le terrain !

Tous les observateurs mentionnent également les évolutions tactiques…

Effectivement, là encore les progrès sont évidents et c’est ce qui a permis, à certaines formations, de résister face à plus fortes qu’elles. Cette meilleure culture tactique, qui va encore s’améliorer, est la conséquence du travail effectué en sélection, mais également tout au long de l’année dans les clubs. Il est évident, également, que les filles, qui viennent au football plus jeunes, ont acquis cette culture au fil des années. On travaille dur et bien dans les clubs, et pas seulement en France. Dernier point, et non des moindres : pendant des années, les joueuses ne s’intéressaient guère au football joué par les hommes, elles n’allaient pas voir les matches. Désormais – et c’est indispensable ! -, elles suivent les rencontres avec attention, elles apprennent et elles mettent en pratique ce qu’elles ont appris. C’est le même jeu, le même football…

Certains, pourtant, pensent que les règles du football ne sont pas adaptées à la morphologie des femmes…

J’ai vu cela, oui. On évoque notamment la taille du but, la durée des matches… Mais c’est un faux problème et nous, les joueuses, nous faisons avec. Nous avons toujours connu cela et nous nous sommes adaptées. Je n’ai jamais entendu une footballeuse se plaindre. Et regardez les performances des gardiennes de but lors de cette Coupe du monde, elles sont à l’égale des autres joueuses. En moins de deux ans, si l’on prend pour référence le dernier championnat d’Europe et les errements de quelques gardiennes, les progrès à ce poste spécifique sont considérables et les exploits nombreux.

 

L’Italie, la bonne surprise de cette Coupe du monde…

 

Quelle équipe vous a surprise ?

Sans contestation possible, l’Italie. Personne n’attendait la Squadra Azzura a un tel niveau, moi la première. A Montpellier, face à la Chine, les Italiennes ont réalisé un excellent match tactiquement, ce qui n’étonnera personne, mais elles s’appuient également sur quelques individualités marquantes. Toutefois, elles sont physiquement encore un cran en-dessous des grandes nations et c’est dans ce domaine qu’elles vont devoir travailler et progresser pour passer un cap. Pour le reste, tout est là : technique, tactique et efficacité qui font de l’Italie un adversaire difficile à manœuvrer, comme a pu l’être l’Espagne face aux Etats-Unis…

 

« L’excès de confiance pourrait nuire aux Américaines! »

 

Une équipe espagnole dont la France devra s’inspirer, vendredi soir, au Parc des Princes…

Les Ibériques ont bougé les Américaines, qui n’apprécient pas le moins du monde d’être bousculées de la sorte sur leur piédestal. C’est une équipe de très grande qualité, championne du monde en titre, expérimentée, qui jouent beaucoup de matches et qui compte dans ses rangs quelques-unes des meilleures joueuses du monde. Mais c’est peut-être là que le bât blesse : l’habitude peut jouer de vilains tours !

 

Comme au Havre, en janvier, ne rien lâcher au milieu du terrain…

 

C’est-à-dire ?

Premièrement que leur jeu est stéréotypé et qu’elles ne semblent pas en mesure de pouvoir en changer. Ce n’est pas une question technique ou tactique, c’est plus au niveau mental que cela se joue et leur premier succès dans cette compétition n’arrange rien à l’affaire. Il y a, chez elles, un évident excès de confiance, comme si rien ne pouvait leur arriver. Au contraire, cela pourrait leur jouer des tours…

Comme au Havre, en janvier dernier, face aux Bleues qui s’étaient imposées 3-1…

C’est bien la preuve qu’elles ne sont pas imbattables, mais s’il faut se servir de cette victoire pour emmagasiner de la confiance, ce sera un autre match, une rencontre de Coupe du monde. Rien à voir avec un rendez-vous amical…

Pour autant, vous croyez à la victoire de l’équipe de France ?

Et tout le monde, comme moi, doit y croire ! Les Bleues ont les moyens et les qualités nécessaires pour se qualifier. Il leur faudra hausser le ton au milieu du terrain, là où les Américaines sont les plus performantes, fermer les espaces, être bien compactes et jouer libérées. C’est ainsi qu’elles pourront non seulement faire douter les championnes du monde, qui ne pourront pas réciter leur football comme elles aiment si bien le faire. Techniquement, tactiquement, physiquement, notre équipe de France est largement au niveau et ce n’est pas seulement la supportrice qui parle. Après…

Après, oui…

Il faudra mettre un grain de folie dans ce match pour faire la différence. Et j’ai confiance en nos joueuses : elles seront au rendez-vous de l’histoire ! »

Kadidiatou Diani avait fait exploser les Américaines au Havre, marquant notamment deux buts…

 

 

 

 

 

 

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