Adieu et merci Justo !

Posté le 30.12.2023 à 00h05

C’est un pan de l’histoire de l’UNFP qui s’en est allé aujourd’hui.

Just Fontaine, cofondateur et premier président de notre syndicat est décédé, ce mercredi 1er mars, à l’âge de 89 ans. Bien sûr, Justo fut aussi un extraordinaire footballeur, un buteur hors-pair, un homme attachant, drôle, au caractère bien trempé, qui n’hésita jamais, sur et en dehors du terrain, à défendre ses idées. Un homme engagé dans tout ce qu’il faisait, jusqu’au-boutiste diront certains, mais il n’avait que faire des pisse-froid, préférant « mourir » avec ses idées, plutôt que de se perdre en se conformant aux normes, sa carrière d’entraîneur dut-elle en pâtir…

 

Philippe Piat, Just Fontaine, Michel Hidalgo et Sylvain Kastendeuch: les quatre présidents de l’UNFP depuis 1961…

 

Car comme Michel Hidalgo, disparu le 26 mars 2020, qui lui succéda à la présidence de l’UNFP en 1964, il fut aussi entraîneur (celui qui permit au Paris-S.-G. d’accéder à l’élite en 1974), et même sélectionneur de l’équipe de France (à deux reprises), avant de diriger la sélection du Maroc, ce pays où il était né en 1933… Mais sa vision d’un football résolument offensif, celui du grand Reims et des Bleus de 1958 et ses coups de gueule ont fini par avoir raison de lui…

Sa passion pour le football n’en a pourtant pas souffert et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer peuvent en témoigner, même s’il fallait pour cela, entre deux analyses techniques et tactiques de haut vol, « subir » les blagues à répétition de celui qui ne voulait surtout pas se prendre au sérieux. Alors qu’il l’était, et de quelle façon, lorsqu’il parlait du jeu de football.

 

De l’US Marrakech à la Coupe du monde…

C’est au Maroc, évidemment, que se sont écrites les premières pages de sa carrière, jeune à l’US Marrakech, puis à l’US Marocaine de Casablanca… C’est là qu’un ancien joueur du club, qui était alors l’idole du jeune Fontaine au même titre que Larbi Ben Barek, le repère. Devenu entraîneur, Mario Zatelli réussit à l’attirer à l’OGC Nice où, son baccalauréat en poche, Justo débarque à 20 ans avec une réputation de buteur déjà bien affirmée.

La même année, en 1953, il est sélectionné pour la première fois en équipe de France et marque trois des huit buts tricolores. Forcément.

Ces débuts en fanfare devant le Luxembourg ne vont pourtant pas lui rouvrir les portes de la sélection avant un bon moment. Il faut dire que la France regorge alors de talents offensifs et qu’on préfère parier sur l’expérience…

Il lui fallut attendre trois ans pour porter à nouveau le maillot frappé du coq, raison pour laquelle il ne compte que cinq sélections lorsque débute la Coupe du monde en Suède, les deux dernières lors des matches de préparation au mondial, où l’on fait appel à lui pour pallier les blessures de Thadée Cisowski et de René Bliard, alors titulaires…

 

André Lerond avec Just Fontaine, après la victoire sur l’Irlande du Nord (4-0) en quarts de finale de la Coupe du monde 1958.

 

De la Coupe du monde à la création de l’UNFP…

La suite de l’histoire, tout le monde la connaît. « Mon record, ce n’est jamais moi qui en parle. » Ce record, 13 buts lors d’une même phase finale de Coupe du monde, ne sera sans doute jamais égalé, à moins, au rythme où vont les choses et à la démagogie électoraliste de rigueur, que le Mondial se joue un jour avec 92 pays. Ou plus encore.

Au retour de Suède, la troisième place en poche, celui qui compte déjà deux titres de champion de France à son palmarès (avec Nice, en 1956, avec Reims, en 1958) et deux Coupes nationales avec les mêmes clubs et lors des mêmes saisons, est devenu une star, à l’égal ou presque de Raymond Kopa, nommé meilleur joueur de la même Coupe du monde et bientôt premier Ballon d’Or français.

 

Deux légendes, Fontaine, le buteur, Kopa, le créateur et passeur…

 

Une finale de la Coupe d’Europe des clubs champions perdue face au Real Madrid et Raymond Kopa (1959), deux nouveaux championnats nationaux avec Reims, des titres de meilleurs buteurs du championnats, et dix autres sélections (pour un total de 21 et de 30 buts marqués…) suivront l’aventure suédoise, mais la carrière de Just Fontaine laissera un goût d’inachevé et un homme marqué par la dure réalité du football et par deux blessures (fractures à la même jambe gauche en 1960 et 1961) dont il gardera les stigmates tout au long de sa vie, traînant cette jambe maudite qui l’obligea à mettre un terme à sa carrière. À 28 ans à peine, alors qu’il avait encore tant à donner, tant de buts à marquer, tant de plaisirs à partager et à donner.

Même si elle ne fut pas aboutie autant qu’elle aurait pu et dû l’être, cette carrière, exceptionnelle comme l’est sa moyenne de buts marqués en championnat de France (0,82 par match) ou en équipe de France (1,42), lui vaudra d’être nommé parmi les 100 meilleurs joueurs du monde de tous les temps en 2004 (classement pour la FIFA, réalisé par le… Roi Pelé) ou cinquième meilleur Français du siècle dernier par le quotidien l’Équipe en 2000, ou encore joueur en or par l’UEFA en 2004.

Des distinctions ou honneurs comme s’il en pleuvait. C’est pourtant sur un autre terrain, celui du combat syndical (avant de devenir un commerçant respecté à Toulouse, sa ville d’adoption), qu’il décide de continuer à gagner.

 

En 1961, les footballeurs professionnels français sont sous l’étreinte de ce que Justo et quelques autres (André Lerond, Jean-Jacques Marcel, Robert Loubière, Norbert Eschmann, Eugène N’jo-Léa et le juriste Jacques Bertrand pour ne citer qu’eux) appellent le contrat léonin, qui lie les joueurs à leur club jusqu’à l’âge de 35 ans, sans avoir le moindre droit de regard ou de décision sur leur carrière, leur éventuel transfert ou leur salaire.

Du devoir de mémoire envers un homme hors du commun…

Il faudra attendre huit ans et la présidence de Michel Hidalgo (dont la disparition, comme celle de Raymond Kopa, avait gravement affecté Justo, on peut le comprendre…) pour que le contrat à durée librement déterminée soit instauré en France, près de 30 ans avant que la liberté contractuelle soit accordée, via l’arrêt Bosman, à l’ensemble des joueurs de la Communauté européenne et, par ricochets, à la quasi-totalité des footballeurs dans le monde, pour lesquels Justo s’était également engagé, fervent défenseur d’un syndicat mondial qui, grâce à l’action de l’UNFP, notamment, donna naissance à la FIFPRO, en 1965.

Un an plus tôt, celui qui avait mis sa notoriété au service de ses anciens collègues footballeurs, et qui en paya souvent le prix sans pourtant ne jamais rien regretter, avait remporté une première victoire, avec l’institution du pécule de fin de carrière…

Jusqu’à la fin de sa vie, Just Fontaine sera resté proche de l’UNFP, dont il était si fier. Plus fier que ses 13 buts marqués à la Coupe du monde, ce record qui ne saurait définir l’homme qu’il a été. Ce record, qui tous les quatre ans, rappelait au souvenir de tous le formidable joueur qu’il avait été.

 

Les deux premiers présidents de l’UNFP, Just Fontaine et Michel Hidalgo, deux amis, deux visionnaires, deux syndicalistes convaincus et convaincants…

 

Les générations de footballeurs qui se sont succédé depuis 1961 ne doivent pas oublier ce qu’elles doivent à Just Fontaine, à son engagement, à sa ténacité, à son courage. À l’UNFP, nous n’oublierons jamais l’incroyable volonté de cet homme hors du commun. Notre peine, indicible, est aujourd’hui si lourde à porter, comme elle le fut lorsque Michel Hidalgo s’en est allé.

Nous pensons à la famille et aux proches de Justo, auxquels nous présentons nos plus sincères condoléances.

 

Au plus fort de notoriété, Just Fontaine ne donna pas seulement de la voix pour défendre les footballeurs…

 

 

Les derniers articles