L’affaire Ngamukol expliquée aux syndicats membres de la FIFPRO…

Posté le 30.03.2023 à 08h06

Le département juridique de l’UNFP est intervenu les 15 et 16 mars au siège de la FIFPro à Hoofddorp (Pays-Bas) lors d’une conférence organisée par la FIFPro, qui réunissait les principaux membres du syndicat mondial des joueuses et des joueurs.

Les échanges ont porté sur les problématiques rencontrées localement par les associations membres, comme par exemple la nouvelle réglementation FIFA sur les agents, la question des abus dans le sport, la réglementation de la maternité ou encore les violations des règles anti-dopage.

 

Et c’est Juliano Khankan, l’un des quatre juristes de l’UNFP, qui a présenté l’action de notre syndicat au regard de la mise à l’écart subie par Anatole Ngamukol en 2018, alors qu’il était sous contrat avec le Stade de Reims, et la manière dont la décision de justice, à savoir la condamnation du directeur général du club pour harcèlement moral en janvier 2021, a impacté le traitement des joueurs mis à l’écart en France.

« Effectivement, nous confirme Juliano, le traitement subi par Anatole Ngamukol est extrêmement symptomatique des dérives que certains clubs ne cessent d’imposer aux joueurs, alors que le cadre juridique est pourtant clair en France, mais absolument pas respecté. C’est là tout le sens de mon intervention. »

« J’ai d’abord présenté le cadre de l’article 507 de la Charte du Football en France, qui détaille les conditions d’entraînements dont doit bénéficier chaque joueur professionnel, à savoir l’obligation de s’entraîner avec l’équipe première du club, mais aussi les deux exceptions tolérées : l’une lors du mercato d’été et l’autre dans la mesure où la mise à disposition du joueur auprès de l’équipe réserve est limitée dans le temps.  »

« Malgré ce cadre protecteur, le nombre de joueurs mis à l’écart de manière prolongée ne cesse d’augmenter et a atteint, cette saison, le nombre inquiétant de 170. Cette pratique est devenue un instrument de gestion, de régulation des effectifs, au détriment du respect des conditions d’entraînement des joueurs. La mise à l’écart d’un joueur a pour objectif de le forcer à accepter une prolongation de contrat, ou à accepter un transfert ou tout simplement lui signifier que son club ne compte plus sur lui. »

« Concrètement, une mise à l’écart se traduit par une dégradation des conditions de travail du joueur prenant les formes suivantes :

  1. Entraînements en marge du groupe ou avec l’équipe réserve;
  2. Exclusion du quotidien du club : accès refusé au centre d’entraînement, place du vestiaire dans le groupe principal supprimée et accès au vestiaire du groupe principal refusé, privation du service médical et de kinésithérapie, etc. ;
  3. Exclusion de la communication du club : suppression de son profil sur le site du club, des campagnes de publicité également et même interdiction pour le joueur d’assister aux rencontres avec le public, ce qui conduit parfois à l’exclure du stade.

« Dans le cas d’Anatole Ngamukol, la justice a tout d’abord rappelé l’obligation faite au club de respecter l’article 507 de la Charte du Football, véritable convention collective, qui régit les obligations entre les clubs et les joueurs, sous peine, pour le club, d’engager sa responsabilité pour des faits de harcèlement. »

« Les juges ont ensuite caractérisé la dégradation des conditions de travail par la réunion d’un faisceau d’indices, à savoir la mise à l’écart du joueur par trois décisions successives du club dans un court laps de temps ; par l’absence de participation du joueur aux matchs d’opposition entre les deux groupes d’entraînement ; par la présence du joueur dans un groupe d’entraînement constitué de très jeunes joueurs, et enfin par l’absence de problème de santé justifiant le placement dans un groupe d’entrainement moins intensif. »

« L’UNFP se mobilise plus que jamais pour mettre un terme à ces pratiques qui ne devraient plus avoir leur place aujourd’hui, et que les joueurs rejettent en masse, comme en témoigne la signature de 900 d’entre eux dans une pétition dénonçant la multiplication des cas de mise à l’écart et l’inaction des instances face à ce véritable fléau qui porte atteinte à leur dignité.
Dans aucun corps de métier, on accepterait le traitement médiatique réservé à ces salariés qualifiés subitement « d’indésirables ».

 

 

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« Notre rôle est de les accompagner sur plusieurs niveaux. Déjà individuellement, en contestant la décision devant les instances sportives (commission juridique de la LFP) pour obtenir une réintégration sportive à court terme, (en mobilisant si besoin les outils classiques du droit du travail- saisine de l’inspection du travail et/ou de la médecine du travail), puis sur un volet judiciaire, en contestant la mise en l’écart devant les tribunaux afin d’obtenir la réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral notamment. »

« L’accompagnement de l’UNFP est aussi psychologique, car ces situations d’isolement et de déclassement sont très difficiles à vivre pour les joueurs, qui doivent être soutenus moralement, à travers notre cellule d’aide « C dans la tête », et par la présence de nos délégués régionaux sur le terrain. »

« À un niveau plus global, le rôle politique de l’UNFP, en tant que syndicat, est de dénoncer ces pratiques en alertant les instances concernées (Fédération, Ligue et Ministère), garantes de l’intégrité des joueurs. Il leur appartient en effet de protéger les acteurs, sans lesquels le spectacle sportif ne saurait exister. »

« La carrière d’un joueur de footballeur professionnel est courte (moyenne de 6,5 ans en France), il est donc de notre devoir de nous mobiliser pour ne pas laisser ces situations anéantir définitivement la carrière d’un joueur ».

L’heure est plus que jamais à la mobilisation générale.

 

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