Marshall Munetsi : « Aider la prochaine génération »

Posté le 28.12.2023 à 15h18

Le talentueux milieu du Stade de Reims et international zimbabwéen, Marshall Munetsi, coéquipier de Yunis Abdelhamid, membre du comité directeur de l’UNFP, est aussi actif sur le terrain qu’en dehors. À peine arrivé en terre champenoise en 2019, il a créé sa fondation pour aider les enfants en difficulté dans son pays d’origine et leur permettre d’allier sport et études.

Devenu international en 2018, il s’est naturellement impliqué au sein du syndicat national du Zimbabwe (FUZ) et, dans le même élan et avec un engagement identique, au coeur de la FIFPro Afrique.

Il a rejoint en début d’année le Conseil mondial des joueurs de la FIFPro pour faire durablement entendre la voix des joueurs et faire bouger les lignes, notamment dans son pays d’origine, où la sélection a été suspendue deux ans pour cause d’ingérence par la FIFA. Interrogé par nos confrères de la FIFPro, il revient sur le sens de son engagement…

 

« J’ai rejoint le Conseil mondial des joueurs de la FIFPRO au début de cette année, qui est une sorte de porte-parole des footballeurs professionnels. Nous sommes 35 au total – dont Giorgio Chiellini, Lucy Bronze et Arturo Vidal – et nous donnons notre point de vue sur toute une série de sujets, telles que le calendrier des matches internationaux, les problématiques contractuelles, l’utilisation des données personnelles ou encore les abus des médias sociaux.

L’une des principales raisons pour lesquelles j’ai rejoint ce Conseil était de contribuer à résoudre le problème des faux agents. C’est un sujet qui me passionne et qui est devenu un grand défi, surtout en Afrique.

Originaire du Zimbabwe, j’ai vu des amis et d’anciens coéquipiers perdre beaucoup d’argent – de l’argent qu’ils avaient durement gagné, de l’argent que leurs parents avaient durement gagné – à cause de gens qui se faisaient passer pour des agents de football. J’ai souvent vu cela lorsque je jouais en Afrique du Sud.

Beaucoup de ces joueurs ont reçu de fausses promesses et on leur a vendu le rêve de jouer en Europe. J’en connais qui ont même pris l’avion pour l’Europe pour arriver à l’aéroport et découvrir qu’il n’y avait personne ; l’argent leur avait déjà été pris par ces faux agents et ils n’avaient rien à se mettre sous la dent.

En tant que joueurs, nous devons prendre note des avertissements que nous recevons de la FIFPRO et des syndicats nationaux à ce sujet.

Si quelqu’un prétendant être un agent de football vous a contacté via Instagram avec une offre de club, il suffit de cinq minutes pour appeler votre syndicat et demander si cette personne est enregistrée auprès de la FIFA ou non. Cela pourrait vous éviter de vous faire escroquer de milliers d’euros.

C’est à nous, joueurs, de prendre nos responsabilités en demandant conseil à nos syndicats. Ils sont là pour les joueurs.

Lorsqu’un joueur s’exprime individuellement, il peut devenir une cible unique. Mais quand vous faites partie d’un syndicat, quand vous faites partie d’un collectif, les footballeurs ont la possibilité d’exprimer leurs préoccupations. Un syndicat nous permet de trouver des solutions sans que cela ait un impact sur nous en tant qu’individus. Ils jouent un rôle important pour les joueurs.

J’ai commencé à m’impliquer dans le syndicat national du Zimbabwe, puis plus tard dans la FIFPRO Afrique, lorsque j’ai commencé à jouer pour l’équipe nationale senior en 2018.

Ils ont vu que j’étais une personne qui n’était pas timide lorsqu’il s’agissait d’élever la voix et de parler pour les autres. Certains footballeurs peuvent avoir peur ou être réticents à élever la voix – ce qui est tout à fait normal, tout le monde est différent – mais pour moi, il est important de ne pas se dérober face aux questions qui nous affectent en tant que joueurs, de rectifier les problèmes avec des solutions et d’aider ainsi la prochaine génération. Être une voix pour les autres est quelque chose qui m’accompagne depuis l’école, lorsque j’étais adjoint au chef d’établissement.

J’ai joué pour la dernière fois pour l’équipe nationale à la fin de l’année 2021. La Commission des sports et des loisirs du Zimbabwe (SRC) a interféré avec la Fédération zimbabwéenne de football (ZIFA), ce qui est interdit par la FIFA, et les équipes nationales masculines, féminines et juniors ont par la suite été suspendues du football international.

Cela signifie que l’équipe senior masculine n’a pas pu participer aux dernières qualifications pour la Coupe d’Afrique des Nations – je pense que nous ne pourrons probablement pas non plus participer aux qualifications pour la Coupe du monde – et cela empêche également les clubs zimbabwéens de participer à la Ligue des champions de la CAF.

Tant de joueurs zimbabwéens sont privés d’une grande opportunité, tant de joueurs en pleine force de l’âge ne peuvent pas jouer sur la scène continentale et internationale. Mais surtout, la suspension du Zimbabwe a un effet socio-économique négatif sur le pays.

Je pense que la fédération aurait dû faire mieux lorsqu’il s’est agi de discuter avec la FIFA et de trouver une solution possible pour ne pas affecter la jeune génération qui est là – parce que le talent est là au Zimbabwe. Les joueurs qui sont partis en Europe l’ont prouvé, tout comme moi qui joue ici, en France.

Ce mois-ci, nous aurions pu jouer contre le Maroc, demi-finaliste de la Coupe du monde – la seule équipe africaine à avoir jamais atteint le dernier carré sur la scène mondiale – et cela aurait été une fête. Leur premier match de compétition après ce parcours historique en Coupe du monde aurait été contre le Zimbabwe. Le pays a été privé de ce qui aurait été une occasion si spéciale.

Ainsi, ce bras de fer entre la SRC et l’association, qui a entraîné la suspension de l’équipe nationale par la FIFA, a un impact socio-économique négatif sur le pays.

De même, si Mo Salah venait au Zimbabwe avec l’Égypte, le stade serait plein. Les gens auraient acheté des billets et les hôtels auraient été complet. Il serait allé de même si Sadio Mané et le Sénégal étaient venus en ville.

Il est important que nous, les joueurs, nous exprimions sur des sujets comme celui-ci – et la situation au Zimbabwe est l’une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint le Conseil mondial des joueurs de la FIFPRO. Cela permet de mettre en lumière la façon dont des cas comme celui-ci désavantagent la jeune génération, en particulier en Afrique.

En tant que joueurs, nous avons une voix. Et par l’intermédiaire d’un syndicat, nous pouvons utiliser cette voix collective pour obtenir des changements positifs. Je continuerai à utiliser ma voix pour aider la prochaine génération en Afrique et au-delà. »

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