Calendrier: action en justice contre la FIFA!
Posté le 13.06.2024 à 09h15Des syndicats membres de FIFPRO Europe – dont l’UNFP – ont introduit, ce jeudi 13 juin 2024, une action en justice contre la FIFA, lui contestant la légalité des décisions de fixer unilatéralement le calendrier international des matches et, en particulier, la décision de créer et de programmer la « Coupe du Monde des Clubs de la FIFA 2025 « .
Les syndicats de joueurs estiment que ces décisions violent les droits que les joueurs et leurs syndicats tirent de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et qu’elles enfreignent également le droit européen de la concurrence.
L’Association des footballeurs professionnels anglais (PFA) et l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnel français), avec le soutien de FIFPRO Europe, demandent au Tribunal de Commerce de Bruxelles de renvoyer l’affaire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE) en posant quatre questions préjudicielles.
La Charte des droits fondamentaux de l’UE garantit aux travailleurs et à leurs syndicats divers droits fondamentaux. Il s’agit notamment de l’interdiction du travail forcé ou obligatoire, de la liberté de travail, du droit de négocier et de conclure des conventions collectives, du droit à des conditions de travail garantissant la santé et du droit à une période annuelle de congés payés. Ces droits sont protégés par les articles 5, 15, 28 et 31 de la Charte (CDFUE).
Les joueurs et leurs syndicats n’ont cessé de souligner que le calendrier actuel du football était surchargé et impraticable.
Cependant, la FIFA, comme signalé par les syndicats de joueurs et les organisations internationales des ligues professionnelles, ne s’est pas engagée à négocier de manière significative et a poursuivi unilatéralement un programme d’expansion des compétitions en dépit de l’opposition des syndicats. Elle a notamment décidé d’organiser une Coupe du monde des clubs élargie.
Ce nouveau tournoi, qui se déroulera au cours de l’été 2025, verra 32 clubs et leurs joueurs devoir participer à cette nouvelle compétition aux États-Unis entre la mi-juin à la mi-juillet. Si l’on tient compte des périodes de préparation et des déplacements, le tournoi créera jusqu’à six semaines de travail supplémentaire, qui viendront s’ajouter à un emploi du temps déjà surchargé.
Le rôle de FIFPRO Europe et de ses membres n’est pas de favoriser ou de défavoriser une compétition par rapport à une autre. Cependant, dans le contexte plus large du calendrier mondial du football, la nouvelle Coupe du Monde des Clubs de la FIFA est considérée par les footballeurs professionnels et les syndicats comme représentant un point de non-retour.
Pour les joueurs les plus sollicités par les matches de club et les compétitions de leur équipe nationale, le droit à des vacances annuelles deviendra pratiquement inexistant, la Coupe du monde des clubs 2025 se déroulant pendant la seule période de l’année théoriquement disponible à cette fin.
Les syndicats de joueurs estiment que de telles décisions de la FIFA sont contraires à la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CDFUE), sans aucune justification sérieuse. En fin de compte, les syndicats de joueurs estiment que l’objectif de cette nouvelle compétition est d’accroître la richesse et le pouvoir de l’instance dirigeante du football mondial, sans tenir compte de l’impact sur les joueurs impliqués ou sur les autres parties prenantes du football professionnel.
En outre, les syndicats de joueurs estiment qu’à la lumière de l’arrêt de la CJUE sur la « European Super League », de telles décisions unilatérales et discrétionnaires – qui ne sont pas le résultat de règles juridiques claires, objectives, transparentes, non discriminatoires et démocratiques – constituent des « restrictions de concurrence par objet » au sens de l’article 101 TFUE.
La FIFA trouve normal d’occuper unilatéralement et abusivement un domaine qui, dans une gouvernance moderne et ouverte, relève naturellement de la compétence des partenaires sociaux et donc de la négociation des conventions collectives entre les syndicats de joueurs et les organisations représentatives des employeurs.
Les syndicats membres de FIFPRO Europe demandent au Tribunal de Commerce de Bruxelles de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE) de cette problématique cruciale par le biais de quatre questions préjudicielles dont la substance peut être résumée comme suit :
La FIFA, en imposant de manière unilatérale et discrétionnaire un calendrier international des matches et, plus spécifiquement, une nouvelle compétition intitulée « Coupe du monde des clubs 2025 », viole-t-elle les droits que les travailleurs et les syndicats tirent de la CDFUE et du droit de la concurrence de l’Union européenne ? Plus précisément, l’imposition unilatérale de telles décisions aux joueurs viole-t-elle le droit consacré par l’article 28 CDFUE pour ces joueurs de négocier collectivement leurs conditions d’emploi, par l’intermédiaire de leurs syndicats ?
L’affaire « Diarra contre FIFA », dans laquelle la CJUE doit rendre un arrêt dans les prochains mois, est pertinente pour cette affaire. FIFPRO Europe (qui s’est jointe à la procédure à côté de Lassana Diarra, tout comme l’UNFP) maintient que la réglementation du marché du travail du football professionnel doit résulter de conventions collectives entre partenaires sociaux et non de l’imposition unilatérale par la FIFA d’un « système de transfert » qui est fondamentalement incompatible avec la liberté du travail et la dignité humaine.
David Terrier, président de FIFPRO Europe et vice-président de l’UNFOP, a déclaré : « Puisque toutes les tentatives de dialogue ont échoué, il nous appartient maintenant de veiller à ce que les droits fondamentaux des joueurs soient pleinement respectés en portant l’affaire devant les juridictions européennes et donc devant la CJUE. Il ne s’agit pas de stigmatiser une compétition en particulier, mais de dénoncer à la fois le problème de fond et la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».
Les syndicats membres de FIFPRO Europe sont représentés devant le Tribunal de commerce de Bruxelles par le cabinet d’avocats Dupont-Hissel.`
Le texte complet des 4 questions préjudicielles demandées auprès du Tribunal de l’Entreprise de Bruxelles
- Les droits garantis aux travailleurs et à leurs syndicats par la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CDFUE), notamment par les articles 5, 15, 28 et 31 CDFUE, interdisent-ils qu’une entité privée telle que la FIFA:
- Tenant compte de la charge de travail actuelle des joueurs employés par les plus grands clubs et qui sont par ailleurs, bien souvent internationaux au sein de leur équipe nationale respective, décide d’ajouter au calendrier une nouvelle compétition mondiale interclubs (« la Coupe du Monde des clubs 2025 »), programmée au moment de l’année traditionnellement consacré aux vacances annuelles, d’une durée (en incluant la période préparation et les voyages) d’au minimum 6 semaines ?
- Impose unilatéralement de telles Décisions, notamment contre l’avis formel des syndicats de joueurs professionnels ?
- L’imposition de manière unilatérale de telles Décisions aux joueurs viole-t-elle le droit consacré par l’article 28 CDFUE, pour ces joueurs, de négocier collectivement leurs conditions de travail ?
- Faut-il considérer que le droit à des conditions de travail respectueuses de la santé, garanti par l’article 31 CDFUE, est violé par des Décisions de la FIFA imposant à certains joueurs une charge de travail additionnelle d’environ 6 semaines chaque année où la FIFA organiserait cette « Coupe du monde des clubs » ?
- Faut-il considérer que ces Décisions (Calendrier international des matches et Coupe du Monde des clubs 2025) génèrent des restrictions de concurrence par objet (ou alternativement par effet) au sens de l’article 101.1 TFUE, dès lors que :
- ces Décisions, malgré le fait qu’elles engendrent des obligations de travail supplémentaires pour les joueurs, sont imposées de manière unilatérale par la FIFA et ne résultent donc pas soit d’un accord entre les syndicats de joueurs et la FIFA soit d’une convention collective entre les syndicats de joueurs et les organisations représentatives des clubs ?
- Plus généralement, ces Décisions sont adoptées de manière discrétionnaire par la FIFA, puisque leur adoption ne résulte pas d’un cadre légal répondant aux exigences de fond et procédurales formulées aux points 133 à 138, 147 à 152, 175 et 177 à 179 de Votre arrêt « European Super League » ?
#FIFPRO Europe member unions have today submitted a legal claim against FIFA, challenging the legality of FIFA’s decisions to unilaterally set the International Match Calendar and, in particular, the decision to create and schedule the FIFA Club World Cup 2025.@UNFP | @PFA
— FIFPRO (@FIFPRO) June 13, 2024
The PFA are co-claimants in a new legal case against FIFA which is seeking to challenge the structure of football’s broken calendar and enforce the rights of players to take protected breaks.
— Professional Footballers’ Association (@PFA) June 13, 2024