« Vous avez des nouvelles de Philippe Piat ? »
Posté le 02.09.2023 à 15h26Salif Keita s’en est allé, ce samedi, à 76 ans. La vie du Malien, considéré comme l’un des meilleurs joueurs africains de tous les temps – le meilleur ? – a été un véritable roman, racontée notamment dans un film – « Le ballon d’or » – dans lequel il joua lui-même et qui n’oublia pas la fameuse anecdote du taxi que la panthère noire, son surnom, emprunta entre Orly et Geoffroy-Guichard, aucun dirigeant stéphanois n’étant venu pourtant comme prévu l’accueillir à l’aéroport lorsqu’il débarqua de son Mali natal…
En mars 2019, une délégation de la FIFPRO Afrique, de l’UNFP et de l’UFM, le syndicat malien nouvellement créé et présidé par Cédric Kanté, avait rencontré Salif Keita. Nous publions à nouveau l’article qui fit état de cette rencontre à jamais mémorable.
« C’est nous les Maliens, mais les plus émus à l’idée de vous rencontrer, ce sont eux, nos deux amis Français de l’UNFP. » En entendant les quelques mots d’introduction de Cédric Kanté, le premier président de l’Union des Footballeurs du Mali, Salif Keita a souri en nous accueillant chez lui, à Bamako.
Puis, il nous a posé une question…
« L’UNFP… Vous avez des nouvelles de Philippe Piat ? »
Dans son boubou paré de vert, forcément, le premier Ballon d’Or africain (1970) posait-il la question tout en en connaissant déjà la réponse ? Peut-être bien…
« Vous me dites qu’il est toujours présent, toujours président de l’UNFP. Ça ne m’étonne pas, c’était un acharné, un sacré syndicaliste… »
Et les souvenirs se ramassent alors à la pelle, quand la légende du football africain, malien et stéphanois remonte le temps que l’on aimerait tant voir s’arrêter pour prolonger ce moment, alors qu’il tourne les pages de ses souvenirs, comme hier il enfilait les buts :
« À Saint-Etienne, j’ai vécu les premières heures du contrat à durée librement déterminée, le fameux contrat à temps. La France, grâce à l’UNFP, était pionnière en Europe et dans le monde. Et quand trois ans plus tard, il a fallu se battre contre les dirigeants qui voulaient revenir au contrat qui engageait les joueurs jusqu’à leur trente-cinquième anniversaire, j’ai fait ce que j’avais à faire. Avec Philippe Piat, avec l’UNFP, avec tous les joueurs de l’époque ou presque, on s’est battu. On a fait grève. Et on a gagné ! »
L’ancien président de la Fédération du Mali (2005-2009), l’actuel patron du Centre Salif Keita, ce centre de formation qu’il a fait grandir jusqu’à devenir un club professionnel, n’a rien oublié des combats menés, il y a près de cinquante ans.
Joueur, il l’était. Et quel joueur ! Comparé à Pelé, le Brésilien évidemment, puisqu’ils étaient animés tous les deux par « un génie comparable », comme l’écrivait dans France Football, Jean-Philippe Réthacker, gagné par « La magie noire du football », qui ne tarissait pas d’éloges pour Salif…
Joueur, il l’était oui, gravant à jamais son nom dans le cœur des supporters d’une AS Saint-Etienne (186 matches, 142 buts), dont il est un ambassadeur à vie, et qui est partout présente chez lui, entre trophées et souvenirs, pour former un musée qui parle d’un autre temps. Peut-être même d’un autre football, où un certain romantisme avait encore sa place, pour qui oublie les querelles entre les Verts et l’OM, pour un Georges Carnus, pour un Bernard Bosquier, pour un Georges Bereta. Et pour un certain Salif Keita, aussi…
Trois fois champion de France avec les Verts…
Joueur, il l’était, précurseur, avec quelques autres pionniers partis comme lui à la conquête de l’Europe, arrachant la reconnaissance qu’on leur refusait jusqu’alors, annonçant l’éclosion des talents, qui témoignent aujourd’hui de la richesse du football africain et dont les noms fleurissent les hall of fame de tellement de clubs en Europe…
Premier lauréat du Ballon d’or africain en 1970, Salif Keita a débuté sa carrière au Mali, au Real Bamako puis au Stade malien, avant d’arriver à Saint-Etienne en 1967 à 23 ans. Avec les Verts, il a été champion de France à trois reprises (1968, 1969, 1970) et deux fois vainqueur de la coupe de France (1968, 1970) avant de partir à Marseille en 1972. Il a ensuite joué à Valence (Espagne), puis au Sporting Portugal, avant de terminer sa carrière aux Etats-Unis, à Boston.
L’UNFP présente à la famille et aux amis de la Panthère noire ses sincères condoléances.