Beaucoup de questions, toujours pas de réponses!

Posté le 14.12.2016 à 15h34

Une délégation de la Fnass sera entendue, le jeudi 15 décembre, par le rapporteur du projet de loi « Braillard » à la commission Culture et Sport de l’Assemblée nationale. Le message porté par les représentants des sportifs professionnels, et en leurs noms, sera – comme vous pourrez le lire plus loin – fort, précis, détaillé, et à même, du moins faut-il l’espérer, de faire prendre conscience aux députés que l’article 7 de cette loi, contrairement à l’objectif fixé, n’est pas de nature à répondre aux problématiques de compétitivité rencontrées, dit-on, par le sport professionnel français.

Cela reviendrait à penser que les succès futurs passent, impérativement, par la précarisation du statut de sportifs salariés en France, et que le recours au droit à l’image est la solution ultime, quand il ne s’agit que de satisfaire aux exigences de quelques clubs seulement, des clubs de football, chacun l’aura compris.

La raison, en toute logique, l’emportera. La mobilisation des sportifs professionnels ne sera, de toutes les façons, pas vaine, quitte à attendre que la Commission Européenne, devant laquelle la Fnass a déposé plainte, vienne siffler la fin du match, renvoyant notre secrétaire d’Etat et ses obligés à leurs chères études, et plus sûrement encore à la directive européenne du 28 juin 1999 (1999/70/C.E.).

Voilà donc, à en croire certains, que la loi du secrétaire d’Etat Braillard – chevalier sans peur, dès qu’il s’agit de servir les employeurs, et donc pas sans reproche -, protégerait les sportifs professionnels de tous les maux, qui pourraient frapper leur métier. Et ce, contre leur gré qui plus est !

Ces buccinateurs modernes sont aussi crédibles qu’Alain Ducasse, qui vanterait les mérites du fast-food, pardon, de la restauration rapide, ne nous fâchons pas avec tout le monde…

Intéressons-nous à l’article 7 de la loi, qui va à l’encontre de tous les objectifs poursuivis, dans le sens où il n’améliorera en rien la compétitivité du sport professionnel français et qu’il affaiblira, s’il est maintenu – ce qu’on ne peut décemment envisager ! -, le statut des sportifs professionnels en s’attaquant directement à leur contrat de travail.

A moins qu’il ne s’agisse de précariser pour mieux régner…

Pensé pour « favoriser la compétitivité » des clubs français – mais lesquels et dans quel sport ? Et pour quel résultat, pour qui sait que le budget moyen des clubs à l’étranger, s’agissant du football notamment, est trois fois supérieur à celui des clubs français ? -, l’article 7 instaure ainsi un nouveau système de redevance variable basé sur l’exploitation de l’image collective du joueur, qui contrairement au dispositif abandonné du DIC, ne serait pas partie intégrante de la rémunération du joueur, mais viendrait en complément, faisant ainsi peser une incertitude sur le montant total versé au salarié chaque mois… Ce qui suffira à décourager les « stars » que ce système pense pouvoir attirer pourtant dans l’hexagone, alors que différents dispositifs fiscaux, au premier rang desquels l’impatriation, sont déjà à même de favoriser leur arrivée dans notre pays.

Si les sportifs professionnels évoluant en France, que ce soit au sein de leur propre syndicat ou à travers la Fnass, n’en finissent pas, eux, de dire tout le mal qu’ils pensent de cet article, c’est parce qu’il s’attaque frontalement à leur statut de salarié, même à savoir que le dialogue entre les partenaires sociaux de chaque activité a été arraché de hautes luttes pour en dessiner les contours (mais avec quelle latitude ?), quand il aurait dû s’imposer en préalable à toutes volontés de réforme, comme le précise l’article 1 du Code du Travail (« Consultation obligatoire des partenaires sociaux »…).

Car de nombreuses questions restent aujourd’hui sans réponses. Et ce n’est pas faute pourtant de les avoir posées…

 

1- Sur le fond et la forme…

Comment est-il juridiquement concevable de dissocier l’exploitation de l’image du joueur de son contrat de travail, comme cela avait été admis lors de l’instauration du DIC ?

En s’appuyant sur les rémunérations moyennes dans chacune des disciplines, il devient évident que le principe d’une gestion collective des attributs de la personnalité du sportif est totalement inadapté à l’ensemble du sport professionnel en France, puisqu’il ne serait pertinent que pour une cinquantaine de footballeurs professionnels ? Comment envisager dès lors une modification aussi structurante du Code du Travail pour cinquante footballeurs seulement ?

Alors qu’il obligera à la création d’une société d’image pour chaque joueur concerné, et à l’opacité fiscale qui va nécessairement avec, comment est-il possible d’affirmer, au regard de l’actualité récente, que la transparence est un des moteurs de cet article ?

Puisque, pour préserver les droits sociaux des sportifs, il est accordé à leur demande l’instauration de seuils et de plafonds, pourquoi – et que cache ? – la volonté de choisir la voie du décret d’application plutôt que la voie conventionnelle ?

 

2 – Sur les modalités pratiques

La déstructuration de la rémunération du sportif, telle que prévue à l’article 7, soulève également un certain nombre de questions. Elles aussi restées sans réponse.

Quels éléments permettraient de distinguer la rémunération relevant du contrat de travail de celle relevant du droit à l’image ?

Sur quelle base et sur quels critères objectifs cette distinction serait-elle faite ?

Quel pourcentage de répartition entre ces deux sources de revenus est prévu ?

Puisqu’il est acquis que le principe de la redevance soit intégré dans un contrat, s’agira-t-il nécessairement d’un contrat distinct du contrat de travail ? Si non, cela implique-t-il la modification d’un contrat type, négocié par les partenaires sociaux ?

La redevance versée devant prendre en compte, notamment, les recettes générées par l’utilisation et l’exploitation commerciale de l’image du joueur, comment seront évaluées lesdites recettes commerciales ? Par joueur ? Comment est prévue la redistribution entre les sportifs au sein de la même équipe ? Est-ce la même pour chaque club, d’autant qu’on ne sait pas si les critères permettant de déterminer ces recettes seront laissées ou pas à l’appréciation de chaque club ?

Le versement de la redevance se fera-t-il sur présentation de factures ? Avec quelle périodicité (mensuelle, trimestrielle, annuelle) ?

Ce un dispositif sera-t-il soumis à TVA ?

Une fois le paiement effectué au sportif, des questions de fiscalité se poseront nécessairement. A quel titre le sportif professionnel sera-t-il imposé ? Est-ce sur lui que pèsera le poids de la déclaration fiscale des redevances perçues ? A quel régime social ces versements seront-ils soumis ? De quelle protection sociale le sportif professionnel bénéficiera-t-il sur la base de ces sommes-là ?

Comment le décret prévu prendra-t-il en compte les seuils et plafonds ? Seront-ils différenciés en fonction des disciplines ? Permettront-ils de sécuriser la situation des sportifs, au regard de leur protection sociale quand on sait que le seuil de déclenchement devrait alors s’afficher, comme le souhaitent les sportifs, à hauteur d’un minimum de 4 PASS, soit 12 872 euros brut ?

Il est enfin prévu qu’une convention collective précise les modalités d’application de cette proposition de loi. Comment distinguer ce qui devra relever du décret ou du dialogue social ? Qu’en est-il des accords existants en matière de droit d’image collective ?

 

Une plainte auprès de la Commission Européenne

Excédés de ne pas être entendus quand on ne déformait pas leurs propos, lassés de coucher sur le papier leurs inquiétudes légitimes sans que les réponses soient à la hauteur de leurs interrogations – quand on leur a répondu évidemment ! -, les sportifs professionnels, via la Fnass, ont déposé auprès de la Commission Européenne une plainte, depuis jugée recevable, portant sur les nouvelles dispositions du CDD (loi du 27/11/2015), qui s’opposent à la directive européenne du 28 juin 1999 (1999/70/C.E.).

Vouloir protéger les sportifs professionnels en s’attaquant à leur qualité de travailleurs salariés, il faudrait donc y croire. Vouloir protéger les sportifs professionnels, en permettant aux grands clubs de s’exonérer d’une grande partie des charges patronales et sociales, via le retour et le recours au droit à l’image, ce serait donc la seule et unique solution… Mais comment est-il possible que personne n’y ait pas pensé plus tôt ?

Il faut également avoir une imagination fertile, ou un vrai sens de l’humour, pour imaginer que l’instauration du droit à l’image, tel qu’il est défini dans la loi mettra, par exemple et sans la moindre démagogie, un terme aux évasions fiscales. Précariser la quasi totalité des sportifs professionnels, pour mieux en contrôler quelques dizaines, voilà le message à la mode, qui… s’exonère d’avouer, évidemment, que l’objectif fixé ne peut être atteint, d’autant plus que le nouveau système jettera, au contraire, un peu plus d’huile encore sur le feu !

Alors que l’Assemblée nationale se prononcera en janvier, ces… arguments, repris en chœur par les amis du secrétaire d’Etat – il faut bien essayer de sauver le soldat Braillard… -, pourraient faire sourire, s’il ne fallait pas, une fois encore, dénoncer une loi uniquement bidouillée pour satisfaire les clubs les plus riches – ceux du football pour leur permettre donc, sans rire, de décrocher la lune et l’Europe -, au détriment des autres, de tous les autres, et, évidemment, des sportifs professionnels eux-mêmes, sur lesquels ces contre-vérités à répétition agissent comme autant d’éléments mobilisateurs !

Et la colère gronde ! Car au-delà de la loi elle-même, c’est un autre message que les sportifs professionnels ont reçu, comme si le secrétaire d’Etat avait décidé de leur signifier la mort du dialogue social dans le sport en France, qui se portait plutôt très bien.

Mais ça, c’était avant…

La Fnass

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