Pour un football positif…

Posté le 10.06.2018 à 16h45

Dans le Journal du Dimanche de ce 10 juin 2018, Jacques Attali, président de la Fondation Positive Planet, Sylvain Kastendeuch, coprésident de l’UNFP, et Blaise Matuidi, l’international français de la Juventus Turin, appellent les footballeurs à prendre des initiatives sociétales…

« DÉGRADATION de la planète, déclassement, recul des démocraties, terrorisme, crises migratoires… Pour les jeunes générations comme pour leurs aïeux, la croyance dans le progrès laisse parfois place à la peur, au fatalisme et à la tentation du repli sur soi. En parallèle, la collecte massive de données favorise la création d’écosystèmes fermés sur les réseaux sociaux où triomphe la culture de l’entre-soi. Émerge alors une montée des individualismes et des communautarismes fragilisant notre rapport à la liberté et à l’égalité, notions fondatrices de notre République.

Malgré tout, le champ des valeurs et du progrès humain est loin d’être déserté. Face aux grands défis économiques, sociaux, environnementaux, nous assistons à l’émergence d’une génération en quête de sens, prête à réinventer ses modes de vie, de travail et d’interactions humaines. En témoignent le succès des plateformes collaboratives, l’explosion des start-up ou des initiatives en faveur d’une économie du partage qui a moins d’impact sur la planète et considère mieux l’humain. La jeunesse a compris qu’elle avait un pouvoir de consommateur : alimentation, santé, transport, habitation… L’augmentation significative de son engagement pour des causes sociétales témoigne de cette volonté de réformer en profondeur des modes de vie obsolètes.

Égalité des chances, éducation, entrepreneuriat dans les quartiers, économie responsable : face au repli sur soi et à la fragmentation, ces causes ont plus que jamais besoin de soutien. Les bonnes volontés, comme les actions personnelles, fleurissent. Mais l’initiative individuelle, aussi inspirante soit-elle, n’est rien sans l’action collective. Passer de l’ombre à la lumière, c’est le grand enjeu de toutes ces causes, pour qu’elles s’inscrivent dans le long terme, pour que les pas tracés ne s’effacent pas dès la première vague venue. Ces initiatives ont terriblement besoin d’un cadre qui les renforce, d’une voix qui les porte.Parce qu’ils sont sous les feux de la rampe, les footballeurs professionnels ont une aura capable de porter tous ces combats. Catalyseurs de l’attention publique, ils fédèrent souvent toutes les générations, quelles que soient leurs origines ou catégories socioprofessionnelles. Sur la ligne de départ, il y a des milliers d’enfants avec un rêve. Ils sont quelques dizaines à l’arrivée. Leur parcours est un formidable exemple de persévérance. Pour ces jeunes, représenter un club ou un pays, c’est un engagement qui va bien au-delà de leurs propres performances sportives. Par ailleurs, près de la moitié des joueurs professionnels français s’impliquent déjà sur des sujets d’intérêt général (jeunesse, égalité des chances, handicap, enfants malades…). Et les deux tiers de ceux qui n’ont pas encore franchi le pas ont exprimé leur désir de participer aux grandes causes de notre société.

Mais on ne peut nier que cette image est souvent gâchée. Le top 3 des qualificatifs qui les désignent sont « arrogance », « bling-bling » et « immaturité » (baromètre UNFP, 2018). Scandales, contrats mirobolants, frasques aux effets viraux, qu’ils soient individuels ou liés au monde du ballon rond, ces excès nuisent aux valeurs que les joueurs sont supposés véhiculer.

C’est de la responsabilité de tous que d’encourager l’initiative collective et sociétale des footballeurs. D’encourager un football positif. C’est pourquoi nous lançons cette initiative, dont l’ambition est de faire des footballeurs professionnels des ambassadeurs crédiblesde l’action en faveur des générations à venir. »

par  Jacques Attali, Sylvain Kastendeuch et  Blaise Matuidi
Sylvain Kastendeuch, le président de la Fnass
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