Lassana Diarra renvoie la Fifa à ses chères études…
Posté le 04.10.2024 à 15h01Entendre Jean-Louis Dupont (1), qui en a vu d’autres et avait annoncé un « Bosman 3.0 », parler de « victoire totale », avant d’ajouter tout de même qu’il faudra « bien lire la totalité du jugement » ; écouter David Terrier, président de la FIFPRO Europe, rendre à Lassana Diarra, l’hommage qu’il mérite pour avoir refusé d’accepter de se soumettre à un système qu’il estimait être en violation de la Charte européenne des droits fondamentaux (2) ; imaginer la satisfaction de l’ancien international français à qui la Cour européenne de justice a donné raison dans un jugement qui fera date dans l’histoire du football professionnel européen et même mondial ; se dire que la FIFPRO, la FIFPRO Europe et l’UNFP ont-elles-aussi gagné en s’associant au juste combat de Diarra, et se souvenir de ces quelques mots de François Rabelais…
« Le temps mûrit toute choses ; par le temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de la vérité. »
En s’opposant dès sa mise en application, soit en 2001, au règlement du statut et du transfert des joueurs de la Fifa (RSTJ), Philippe Piat, le président de l’UNFP, avait-t-il la certitude, comme François Rabelais, que le temps même long finirait par lui donner raison et qu’il dirait la vérité : l’illégalité d’un système qui bafoue le droit à la concurrence et s’oppose à la libre circulation de travailleurs, ci-devant footballeurs professionnels ?
Pour les juges européens, sont ainsi notamment illégales, car contraires à la libre circulation et aux droits de la concurrence…
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Les modalités de calcul actuel de l’indemnité pour le joueur qui rompt son contrat sans juste cause ;
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La non-délivrance du Certificat International de Transfert (CIT) parce qu’un litige est en cours entre un club et un joueur ;
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La codébition des clubs.
« En ce 4 octobre 2024, s’amuse Philippe Piat, c’est comme si j’avais reçu un cadeau, tout droit venu du Luxembourg… »
Un cadeau pour avoir, avant les autres, compris que la volonté de Lassana Diarra, connu pour combattre l’injustice sous toutes ses formes, pouvait faire trembler la Fifa sur ses fondations. À tel point, qu’il mit alors tout son poids dans la balance – aidé en cela par Theo van Seggelen, alors SG de la FIFPRO, et la direction de l’UNFP qu’il n’eut pas grand mal à convaincre – pour que les syndicats international et français s’associent à la démarche de l’ancien milieu du Real Madrid. Ils seront ensuite rejoints par la FIFPRO Europe quand David Terrier, vice-président de… l’UNFP, en prendra la présidence !
« Les juges de la Cour Européenne de justice – comme ils l’avaient fait le 15 décembre 1995 en prononçant l’Arrêt Bosman, que nous avions soutenu avec la même détermination -, viennent de pointer du doigt les abus de la Fifa que je dénonce, que nous dénonçons depuis si longtemps. Ils rappellent à la Fifa qu’elle n’est pas, comme elle le pense, au-dessus des lois communautaires, qu’elle doit au contraire s’y plier et qu’elle n’a pas vocation à ériger elle-même des règlements régissant les relations de travail des footballeurs professionnels. Et ce qui est aujourd’hui valable en Europe le sera, demain, partout ailleurs. La Fédération internationale va devoir ainsi revoir sa copie. Voilà vingt-trois ans que je milite pour l’abolition du système des transferts, mais ce n’est finalement pas une si longue attente au regard d’un jugement qui marque l’entrée du football professionnel européen, mondial même, dans une ère nouvelle, qui va forcément réécrire sa gouvernance en donnant à tous, à commencer par les joueuses et les joueurs, les moyens de participer activement à l’élaboration d’un football plus juste … »
David Terrier : « D’autres victimes attendent désormais la réparation de leur préjudice ! »
Comme cela était pressenti à la lecture des conclusions de l’avocat général, Maciej Szpunar, en avril dernier, « il est de plus en plus évident que seule une convention collective réellement paritaire est à même de pouvoir protéger les joueurs, ajoute David Terrier. S’il est encore illusoire aujourd’hui de croire à un document européen, à des règles supranationales, il est dans l’intérêt général de faciliter, dès maintenant, en Europe la mise en place d’une convention collective dans chaque pays. »
Il y a là de quoi occuper les prochains mois, voire même les prochaines années : « Mais le jugement du 4 octobre, ajoute le président de la FIFPRO Europe, va nous obliger également, dans une futur proche, à regarder au-delà du seul cas de Lassana Diarra. Depuis 2001, il n’est qu’une des nombreuses victimes du système des transferts de la Fifa et toutes, fort logiquement, attendent désormais elles aussi la réparation de leur préjudice. Et nous, leurs représentants, serons bien évidemment à leur côté pour que la victoire de Lassana soit celle du plus grand nombre de footballeurs dont les droits ont été spoliés, mais aussi celle de toute une profession qui, dans de nombreux autres domaines – faut-il ici reparler du dérèglement du calendrier international ?-, souffre du pouvoir que s’est octroyé la Fifa et que viennent de dénoncer avec force, aujourd’hui, les juges de la Cour européenne… »
UNFP
FIFPRO Europe
(1) Jean-Louis Dupont est, avec Martin Hissel, Peter Pape et Romuald Palao, l’un des avocats représentant Lassana Diarra, la FIFPRO, la FIFPRO Europe et l’UNFP.
(2) Lassana Diarra avait signé avec le club russe du Lokomotiv Moscou pour voir un an plus tard ce contrat résilié par le club pour une prétendue violation « et rupture du contrat sans juste cause ».
Le Lokomotiv Moscou a saisi la chambre de résolution des litiges de la Fifa d’une demande d’indemnisation et l’international français a formé alors une demande reconventionnelle portant sur le paiement d’arriérés de salaires. Lassana Diarra a fait également valoir que la recherche d’un nouveau club s’est avérée difficile parce que, en vertu du RSTJ, tout nouveau club serait responsable solidairement et conjointement avec lui du paiement d’une éventuelle indemnité due au Lokomotiv Moscou.
Alors qu’un accord potentiel avec le club belge Sporting du Pays de Charleroi a échoué en raison des conditions du RSTJ, Lassana Diarra a assigné la FIFA et l’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) (l’organisme en charge du football belge) devant une juridiction belge pour obtenir des dommages et intérêts et réparation avant de porter, avec le soutien de la FIFPRO, de la FIFPRO Europe et de l’UNFP, l’affaire devant la Cour européenne de justice.
