«Jouer collectif, on sait ce que cela signifie!»

Posté le 20.03.2020 à 19h51

Coprésidents de l’UNFP, Philippe Piat et Sylvain Kastendeuch parlent ici d’une même voix. Pour avoir, dès les premières heures, appréhendé la crise que le monde traverse, le syndicat français des footballeurs s’est fermement positionné, dans un premier temps, pour un report des compétitions nationales, relayant la volonté très largement exprimée par les joueuses et les joueurs évoluant en France.

A la suite des décisions prises par les autorités, civiles et sportives, l’UNFP a continué au quotidien à entretenir le lien avec ses adhérents et au-delà, jusqu’à mettre en ligne à leur adresse une foire aux questions, qui a mobilisé l’ensemble de ses services, et à laquelle les joueurs n’hésitent pas à se connecter.

Dans le même temps, que ce soit au niveau national ou international, via la FIFPRO, l’UNFP a multiplié les contacts, non seulement dans l’intérêt des joueurs, mais aussi, mais surtout, en pensant à l’intérêt général. C’est pourquoi, concernant la première phase de confinement décidée par l’État (du 17 au 31 mars 2020), et que le bon sens demande de suivre à la lettre, le syndicat français se positionne pour une période de deux semaines de congés payés pour l’ensemble des footballeurs sous contrat sur le territoire national. Explications.

« Comment les footballeurs professionnels vivent-ils cette période de confinement ?

Comme les autres citoyens, ils se doivent de respecter les consignes et, pour être chaque jour en contact avec eux, ils les ont totalement intégrées et participent, en restant chez eux, à l’effort que nous devons tous fournir pour limiter au maximum les risques pour notre santé et pour celle du plus grand nombre de nos concitoyens.

Il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre…

Et le calendrier n’appartient plus au football depuis le début de cette période de troubles, de limitation extrême – totale demain si l’on en croit les prévisions du gouvernement ? – des déplacements qui rend particulièrement difficile et compliquée l’activité physique, qui est à la base du métier de sportif professionnel. A l’évidence, et c’est le retour que nous font nos équipes qui restent au contact de nos adhérents, cela crée un sentiment d’incertitude physique et psychologique, qui ne leur permet pas d’appréhender correctement les échéances professionnelles d’entretien de leur forme physique, couplées aux exigences sanitaires imposées et la vie quotidienne au plus près de leur famille, qu’il leur faut protéger comme tout un chacun.

Ils ne s’entraînent plus collectivement, ils ne jouent plus, mais ils restent, comme tous les autres salariés, sous contrat avec leurs employeurs…

Évidemment. Mais il n’est pas possible, maintenant, d’évoquer leur situation d’un point de vue générale, puisque beaucoup de clubs restent dans l’incertitude et n’ont pas encore pris une décision de principe vis-à-vis de leur personnel de sportifs professionnels…

C’est-à-dire ?

Que certains clubs ont opté pour des congés payés, d’autres pour une activité partielle…

Et cela concerne les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2…

Et également les clubs pros qui évoluent en National, les clubs de National et de Division 1 féminines, qui ont, eux aussi, des rapports contractuels avec leurs joueurs.

Ces différences entre les uns et les autres doivent engendrer un grand nombre de questions, non ?

C’est la raison pour laquelle, en dehors des contacts quotidiens que nous avons souhaité maintenir avec nos adhérents, nous avons ouvert une foire aux questions, qui leur est spécialement destinée et qu’ils peuvent consulter depuis hier. Mais répondre à certaines de leurs interrogations n’est qu’une partie de notre mission. Notre rôle, c’est en tous les cas de la sorte que nous le considérons, c’est d’être force de proposition, de dégager des préconisations dans l’intérêt de nos adhérents, sans oublier de penser et d’agir pour l’ensemble du football français.

 

« La mise en congés des joueurs et joueuses sous contrat pour la période du 17 au 31 mars 2020 ! »

 

Il s’agit donc de mesures pragmatiques…

Des mesures qui prennent en compte la réalité, des mesures temporaires, qui répondent aux considérations sportives (report des compétitions, annulation des entraînements collectifs), sociales et économiques essentielles pour préserver notre secteur d’activité.

Que proposez-vous alors ?

La mise en congés des joueurs et joueuses sous contrat pour la période du 17 au 31 mars 2020 (soit cette semaine et la semaine prochaine sans aucune activité) pour répondre aujourd’hui à la situation extrême rencontrée et vécue par nos adhérents. Les dispositions permettent aux clubs qui auraient déjà opté pour une activité partielle de modifier leur choix.

Pourquoi des congés maintenant ?

Parce qu’en l’état, le mois d’avril serait – nous l’espérons tous – plus propice pour justifier une nouvelle et réelle période d’activité partielle avec un retour aux entraînements collectifs et des travaux de réathlétisation nécessaires avant toute reprise d’une compétition.

C’est-à-dire que vous ne prévoyez pas une reprise avant la mi-mai ?

C’est, selon l’avis général, potentiellement envisageable, oui. C’est, en tous les cas, le modèle sur lequel nous travaillons au niveau national et international : une fin des compétitions nationales, en France et ailleurs, pour les femmes comme pour les hommes, au 30 juin 2020, rendue possible par le report de la Copa America et de l’Euro en 2021. C’est en ce sens que les deux confédérations organisatrices, sollicitées par la Fifa, ont pris leur décision.

En juin, d’ordinaire, les footballeuses et footballeurs sous contrat sont en vacances, du moins ceux qui ne portent pas le maillot de leur équipe nationale…

Pas cette année, d’autant plus, puisque ce sont les évènements qui dictent le calendrier, que nous avions aussi proposé aux clubs, dès le départ, une possibilité de prolongation des championnats jusqu’au 15 juillet ! Mais l’idée première demeure, si possible, de tout avoir bouclé au 30 juin. Et si nous, l’UNFP, nous sommes favorables à cette disposition, qui déroge à la Charte ou au statut fédéral, c’est parce que nous savons que les joueuses et les joueurs le comprennent d’autant mieux qu’il s’agit ici, non seulement de les protéger, mais de protéger également l’ensemble des partenaires institutionnels, économiques et commerciaux de notre football. Jouer collectif, nous, les joueurs,  nous savons ce que cela signifie !

Vous ne pensez pas que l’on va vous rétorquer que vous souhaitez, avant tout, éviter les pertes de salaire ?

On peut aussi prendre les choses autrement : nous voulons éviter que les joueurs perdent leurs congés initialement prévus en juin.

Mais s’ils sont en congés jusqu’au 31 mars, ils toucheront bien l’intégralité de leur salaire.

Oui, mais les clubs ne sont pas perdants pour autant et ils le savent. De toutes les façons, ils devront payer les vacances de leurs employés. Que cela soit maintenant ou en juin, quelle est la différence ? En revanche, et c’est ce que nous pensons, le recours à l’activité partielle, aujourd’hui, ne répond ni aux besoins des clubs ni à ceux des joueurs. Pis, dans les accords d’entreprise actuellement négociés, aucune mesure ne prend en compte le temps de travail et les heures effectivement allouées aux entraînements individuels pour chaque professionnel. Que se passerait-il en cas de blessure, par exemple ? Trop d’incertitudes demeurent. Donnons-nous le temps de travailler ensemble, les clubs et nous, attendons les décrets d’application du gouvernement permettant de sécuriser la mise en place du dispositif dans le sport professionnel. Attendons avril ! »

 

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