Patrice Beaumelle: premier de cordée…

Posté le 12.07.2022 à 20h11

Gamin, il se rêvait entraîneur. Et pas joueur. Drôle d’idée, non ? Drôle de passion même, que Patrice Beaumelle nourrit depuis bientôt vingt ans, le plus souvent dans l’ombre pour apprendre, quand il ne s’agissait pas de complicité professionnelle, voire d’amitié, parfois en première ligne comme en Zambie ou en Côte d’Ivoire, le temps de comprendre qu’un « entraîneur est seul, toujours seul à l’heure des choix, des louanges et des critiques » et qu’heureusement « il peut compter sur son staff ».

Seul, comme quand cet amoureux de la nature, à pied ou à vélo, peut-être même à cheval, s’en va découvrir le monde autour de chez lui, à Nîmes, lui que son métier a envoyé sur tous les continents, lui que l’Afrique a envoûté, comme elle sait embarquer avec elle ceux qu’elle fascine, ceux qui aiment aller à la rencontre de l’autre, écouter, comprendre, apprendre.

Gamin, il aurait pu se rêver ethnologue. Et pas entraîneur. Grâce au football et à ce métier pas comme les autres, il s’est ouvert au monde. Aux autres.

Parler de football avec Patrice Beaumelle, c’est accepter de voyager, non seulement au regard de sa carrière de coach, mais surtout au fil des expériences humaines qu’il a vécues ici ou là, tout autant formatrices, c’est une évidence, que les diplômes – « Je les ai tous ou presque… » – qui témoignent d’une formation aboutie.

Il faut dire que, gamin, il se rêvait entraîneur et que, comme le disait Oscar Wilde, « la sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. »

 

De l’importance du staff…

 

À le voir, depuis plus de trois semaines, à la tête de l’UNFP Football Club, il est certain que le gamin né à Arles ne s’était pas trompé. À l’entendre, avec cet accent qui sent bon le Sud, évoquer sa « mission », rappeler, régulièrement, « le bonheur de travailler avec un staff totalement investi » et parler, avec respect, des joueurs auxquels « on se doit de donner le meilleur de nous-mêmes », aucun doute n’est permis : Patrice Beaumelle est bien ici à sa place.

 

« Vous donner, depuis le début, beaucoup de vous-même…

Il n’y a pas de hasard. Dès que Pascal Bollini m’a appelé, m’a parlé d’aventure humaine, de la mission d’aider les joueurs à retrouver un contrat de travail, je suis entré dans le costume. J’ai regardé la liste des joueurs potentiels, les possibilités de préparation, les adversaires… Très honnêtement, j’aurai pu rester chez moi, en famille, avec les copains, mais, au-delà même des conditions idéales mises à notre disposition, l’UNFP Football Club, cela ne se refuse pas. Et comme je ne sais pas faire semblant, je me donne à fond, d’autant plus facilement que tout le monde dans le staff, fait de même. Nous sommes au service des joueurs, qui traversent une période difficile de leur carrière, qui ont eu la volonté de s’inscrire, certains diraient le courage, et nous nous devons de leur donner le meilleur de nous-mêmes. Ce que nous faisons tous et nous sommes tous récompensés quand un joueur nous quitte pour une nouvelle aventure – Il y en a déjà eu quatre – ou quand on perçoit les progrès chez les uns et les autres.

Vous n’étiez pas inquiet en sachant que vous n’aviez que quelques jours pour faire d’un groupe, disons disparate, une véritable équipe…

Inquiet, non. Plutôt curieux… Je n’avais aucun doute sur la qualité des joueurs, les gars sont des pros… Mais entre les jeunes et les plus âgés, entre ceux qui n’ont pas beaucoup joué la saison dernière, voire même pour certains depuis un peu plus longtemps, il est certain qu’il y avait de quoi s’interroger… Sauf qu’ils partagent tous un même objectif, que cela les a réunis et que cela, c’est notre travail aussi, devait forcément les unir. L’UNFP Football Club, ce n’est pas un nom d’équipe, c’est un nom de club et, à mes yeux, cela veut tout dire…

Un vrai club, avec quelques différences tout de même…

Si vous voulez parler de la pression du résultat, c’est une évidence. Nous ne sommes pas là pour gagner des matches, mais pour permettre à tous les joueurs de s’exprimer dans les meilleures conditions, d’avoir le même temps de jeu… Mais il convient aussi que chacun prenne du plaisir, puisse montrer son meilleur visage, d’où la nécessité de bâtir un groupe homogène pour chaque période. Il ne servirait à rien, et ce n’est d’ailleurs pas la politique de la maison, d’avoir une équipe A et une B… De la même façon, il est important que les joueurs comprennent, dès le départ, que c’est à l’intérieur du collectif qu’ils auront les meilleures chances d’attirer les regards des clubs, des recruteurs, des agents…

 

Et tous l’ont compris ?

Oui, que ce soit à l’entraînement au regard du travail qu’ils doivent fournir ou lors de nos deux premiers matches… Mais pour en revenir au résultat, sans tomber dans les sempiternelles déclarations sur le sujet – la victoire, c’est bon pour le moral, etc. -, c’est un signe fort dans le football. Dans le train qui nous ramenait de Delle, où nous venions de jouer face à Sochaux pour notre deuxième match, j’ai reçu une bonne cinquantaine de SMS d’entraîneurs, de recruteurs et d’agents. Toujours la même question : « Vous avez fait combien ? », histoire d’engager la conversation. La défaite, même si elle ne correspondait pas à la qualité de notre performance, a mis un terme aux échanges. Personne n’a enchaîné, en effet, pour me demander comment s’était comporté tel ou tel joueur, alors que c’était le but, simplement parce que nous avions perdu… Comme quoi, bien que nous n’ayons pas la pression du résultat, nous ne pouvons ignorer son importance à l’extérieur, son impact… Le football est ainsi fait !

Vous parliez du contenu de votre deuxième match, beaucoup plus abouti que le premier…

Et c’est logique, nous avons tous travaillé pour cela. Les joueurs ont adhéré dès le départ à ma philosophie de jeu, mais ils avaient besoin de mieux se connaître, de mieux se comprendre. Disons que, collectivement, nous avons progressé dans la relation entre la défense et le milieu, beaucoup plus et mieux sollicité que face à Valenciennes. Mais c’est quand il faut passer à la phase offensive que nous continuons à éprouver quelques difficultés, qui ne sont pas dues à l’investissement des attaquants, mais à des questions de positionnement, d’automatismes… Et puis, je trouve, et nous en avons parlé avec eux, qu’ils ne sont pas assez tueurs. Nous y avons particulièrement travaillé tout au long de la semaine, en prévision de notre troisième rencontre, face à une équipe de Ligue 1 cette fois, puisque nous serons opposés au Clermont-Foot…

Peut-on, pour finir, évoquer votre avenir personnel, puisque vous êtes, vous aussi, comme les membres de votre staff technique, à la recherche d’un club ?

La première chose, et je suis réellement sincère, c’est que j’aimerai terminer l’aventure avec le groupe, l’amener le plus loin et le plus haut possible. Mais notre métier est ainsi fait qu’il n’est pas possible, dans la situation qui est la nôtre, de connaître l’avenir. Et surtout d’en décider.

Vous avez des contacts ?

Pourquoi le nier, mais rien d’abouti encore.

Club ? Sélection ?

Les deux… Je sais que l’on voit en moi l’adjoint, malgré les expériences d’entraîneur principal, plutôt réussies, que j’ai connues que ce soit en Zambie ou en Côte d’Ivoire, avec un investissement total, non seulement au niveau de la sélection mais en travaillant, au quotidien puisque je vivais sur place, au bénéfice du football national, ce qui est pour moi une évidence.

Vous pensez ne pas être connu, reconnu…

L’un ne va pas sans l’autre… Si l’on parle du football européen, oui, je ne suis pas connu, malgré mes sept Coupes d’Afrique des Nations et mes deux victoires à côté d’Hervé Renard, malgré une Coupe du monde, malgré un travail en profondeur qui va, par exemple, bénéficier à mon successeur à la tête des Éléphants…

En Afrique, la question ne se pose pas.

Bien sûr, mais, et sans oublier ce magnifique continent auquel je dois beaucoup, il y en a d’autres à découvrir. De la même façon, si l’on pense le plus souvent à moi à travers mon expérience avec les sélections, j’ai envie d’entraîner un club, de participer à un projet, de travailler autrement, tout en me basant sur la philosophie de jeu et de management qui sont les miennes…

Et d’être, chaque jour, confronté à la pression, parfois négative…

– C’est notre travail qui le veut… »

Quand, gamin, il se rêvait entraîneur, y avait-il seulement pensé ?

 

 

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