« Les joueurs décidés et prêts à agir contre le harcèlement ! »

Posté le 07.12.2022 à 15h54

La colère gronde, elle grossit même jour après jour au sein des footballeurs professionnels en France, comme en a témoigné l’Assemblée générale de l’UNFP, samedi dernier.

Les joueurs se mobilisent devant l’inaction des instances sportives et politiques face au non-respect de l’article 507 de la Charte, pis même devant leur indifférence face une décision de justice qui reconnaît pourtant qu’Anatole Ngamukol a été victime de « harcèlement moral ».

Alors que 170 d’entre eux ont été ou sont toujours mis à l’écart depuis le début de la présente saison, ils sont bien décidés, au-delà de la pétition qu’ils ont signée en nombre, de passer à l’action en apportant à leur syndicat un soutien inconditionnel dans sa quête de justice, de respect des règlements et des lois de la république. Et aussi, et surtout, de respect et de dignité pour le salarié dans le pays des droits de l’homme.

À quelques jours d’un rendez-vous au ministère des Sports pour lequel il a déjà fallu batailler ferme (ce vendredi 9 décembre), Philippe Piat et David Terrier, réélus président et vice-président de l’UNFP le 3 décembre, confirme la mobilisation des footballeurs en France et leur volonté de passer à l’action…

 

Les délégués à l’AG de l’UNFP ont tenu à poser avec Anatole Ngamukol pour lui signifier leur soutien inconditionnel…

 

« Philippe, tout d’abord, félicitations pour votre réélection à la présidence de l’UNFP…

Philippe Piat (PP) : Sans jouer les faux modestes et tout en remerciant les joueurs pour leur confiance renouvelée, je pense sincèrement que ce n’est pas la première chose à retenir de notre Assemblée générale. Je veux néanmoins y voir la reconnaissance du travail effectué par l’ensemble du Comité directeur et des salariés de l’UNFP et, surtout, un soutien sans équivoque à la politique qui est la nôtre, aux combats que nous menons.

David Terrier (DT) : Depuis le début de la saison, lors des visites de club, nous ressentions bien – après avoir recentré nos messages sur notre mission première, syndicale – l’adhésion des joueurs aux actions que nous menons pour sécuriser leur statut, pour protéger leur santé, tant physique que mentale, etc. Ils sont au courant de toutes les démarches que nous entreprenons en ce sens et des fins de non-recevoir de la LFP, de la FFF, voire, s’agissant des faits de harcèlement, du ministère des Sports. Il est donc logique, face à l’inaction des instances, qu’ils nous témoignent leur soutien…

 

Philippe Piat

 

Et qu’ils se mobilisent, visiblement aussi…

PP : Si nous n’avons pas encore aujourd’hui le retour de la totalité des clubs, il nous est permis de penser que la pétition pour le respect de l’article 507 de la Charte et contre les faits de harcèlement, qui compte à ce jour quelque 700 signatures, sera finalement paraphée par plus de 90 pour cent des footballeurs professionnels qui évoluent en France…

Ce qui correspond d’ailleurs au nombre d’adhérents à l’UNFP.

DT : Il convient d’apprécier cela différemment, plutôt en termes de mobilisation. Le message est fort, les joueurs en ont assez des mises en l’écart, des attaques répétées contre le statut, du non-respect de leur contrat. Ils sont inquiets face à la banalisation des mises à l’écart et le non-respect des décisions de réintégration prononcées par la Commission juridique de la LFP. ils sont furieux devant l’indifférence des instances sportives et politiques alors que beaucoup d’entre eux souffrent au quotidien…

PP : Si beaucoup ont mis en avant ma réélection à la présidence de l’UNFP, le temps fort de notre Assemblée générale a pourtant bien été l’intervention d’Anatole Ngamukol devant des délégués, touchés par les mots d’un joueur dont on a coupé les ailes, un joueur meurtri au plus profond de sa chair, un joueur comme eux, un footballeur broyé par un système qui fait que les clubs utilisent les mises à l’écart comme un outil de gestion de leurs effectifs, mais aussi comme un moyen de pression et même de répression, en se moquant de l’article 507 de la Charte, en dribblant, comme l’a dit David, les décisions de la Commission juridique de la LFP quand il n’a pas suffi d’essayer de tromper son jugement.

Quid du jugement du 8 janvier 2021, favorable à Anatole Ngamukol, qui reconnaissait que le non-respect de l’article 507 de manière permanente était constitutif de harcèlement moral ?

DT : Je vous dirai bien d’aller poser la question à la LFP, à la FFF et au ministère des Sports, comme nous n’avons de cesse de le faire depuis près de deux ans maintenant… En dehors d’un courrier de la précédente ministre des Sports, au printemps dernier, demandant à la LFP et à la FFF d’agir pour éradiquer le harcèlement dans le football professionnel en France, en lien direct avec la problématique des mises à l’écart, mais aussi de sanctionner les coupables et de protéger les victimes en relation avec le jugement du 8 janvier 2021, la seule véritable réponse que nous avons obtenue, à ce jour, est celle des forces de l’ordre venues nous expulser du siège de la FFF et du ministère alors que nous ne demandions seulement, avec Anatole, que soient tenues les promesses de rendez-vous qui nous avaient été faites…

PP : Il n’est pas difficile de comprendre que ce manque flagrant de respect envers les footballeurs professionnels ne peut pas laisser indifférent l’ensemble de la profession d’autant que, dans le même temps, les recours aux mises à l’écart se multiplient et sont le fruit du trading forcené de nos clubs que nous continuons à dénoncer avec force: on ne veut plus d’un joueur, on le met à l’écart ; on veut qu’un joueur prolonge contre sa volonté, on le met à l’écart ; on veut obliger un joueur à être transférer dans un club alors qu’il préférerait signer ailleurs, on le met à l’écart…

Mais…

PP (Il coupe.) : Les joueurs sont également conscients que la réforme du football professionnel en France, qui répond en priorité à des objectifs financiers et non sportifs comme on essaie maladroitement à le faire croire, se fera sur leur dos si les contre parties demandées par l’UNFP, pourtant promises – et même formellement acceptées – par les dirigeants, restent lettre morte… Ce qui, vous pouvez me croire, est impossible !

 

David Terrier

 

DT : La refonte de la gouvernance de la LFP, la création de la société commerciale, la diminution du nombre de clubs dans nos deux championnats professionnels, c’est une chose. Si nous l’avons acceptée, c’est uniquement avec l’obligation pour les dirigeants de sécuriser voire de renforcer le statut du joueur professionnel en France. Les réformes souhaitées par l’ensemble du football français s’accompagnaient, il semblerait que certains l’aient oublié, des outils de régulation, notamment le squad size limit, dont la mise en place se justifie pleinement au regard des statistiques dont nous avons tous connaissance (1).

PP : Il ne faut pas simplement d’ailleurs montrer du doigt les instances sportives. Tous ces changements n’ont été rendus possible qu’avec l’aval des politiques, plus particulièrement du ministère. Je ne manquerai pas de le rappeler lors du rendez-vous de ce vendredi avec la ministre ou l’un de ses proches conseillers, tout en demandant, c’est un comble, que le ministère des Sports s’attache à faire respecter la loi en matière de harcèlement, de protection des sportifs…

Et…

DT (Il coupe.) : Comme nous, à l’UNFP, les joueurs attendent beaucoup de ce rendez-vous. Peut-être trop… En tous les cas, ils sont d’ores et déjà décidés et prêts à agir si d’aventure la situation n’évoluait pas comme nous le souhaitons. Comme ils l’attendent, le veulent et comme ils nous l’ont fait savoir. Ils n’en peuvent plus des mises à l’écart, du non-respect du 507. Du harcèlement moral. La mobilisation est générale. L’heure des belles promesses est révolue ! »

(1) La moyenne des contrats par club, en Ligue 1, oscille entre 35 et 40. Les clubs utilisent les 22-23 mêmes joueurs pour assurer 99% de leurs rencontres officielles… et 16 joueurs représentent 90% du temps de jeu !

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