Calendrier: « Accepter d’aller jusqu’au conflit ! »
Posté le 31.05.2024 à 19h08Lors de la conférence annuelle de la FIFPRO sur la charge de travail des joueurs, organisée mercredi à Londres à quelques jours de la finale de la Ligue des Champions, David Terrier, en sa qualité de président de la FIFPRO Europe, mais également au nom de l’UNFP qui demande depuis plusieurs années la refonte du calendrier international, a une fois encore porté l’inquiétude des joueurs qui sont de plus en plus nombreux à prendre la parole pour dire qu’il suffit de jouer ainsi avec leur santé physique et mentale et qu’ils souhaitent participer, via leurs représentants, à l’élaboration de la saison qui s’étire et ne leur permet plus de prendre du repos et de continuer à être le plus performant possible…
» Aux yeux du grand public, il peut paraître étonnant que l’on puisse ainsi poser la question de la forme physique d’athlètes de haut-niveau qui est consubstantielle à la pratique de toutes activités sportives comme peut l’être la force mentale, qu’elle s’exprime à travers la motivation ou notamment encore dans le refus de la défaite.
» Mais alors pourquoi sommes-nous ici réunis ? D’où vient l’inquiétude qui nous habite tous et qui ne cesse de croître à mesure qu’augmentent les risques encourus par les premiers acteurs du jeu ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas, plus, pour que le football ait ainsi perdu son équilibre ?
» Avant de répondre à ces questions, arrêtons-nous sur les charges de travail aujourd’hui engendrées par le dérèglement du calendrier, résultat de l’augmentation du nombre des compétitions ou des changements apportés à celles existantes. Il en résulte…
- De longues séries de matchs consécutifs ;
- un manque évident de repos et de récupération ;
- des interruptions de saison de plus en plus courtes ;
- des exigences et contraintes dues aux voyages de longue durée.
» Et à cela vient s’ajouter une pression mentale sur les acteurs toujours plus forte et qui est désormais permanente.
» Les faits sont là, qui traduisent le quotidien des joueuses et des joueurs. Mais alors que l’urgence devrait être de mise et la recherche de solutions mobiliser toutes les forces vives, notre football se heurte à la défaillance de sa gouvernance, matérialisée ici par le refus d’entendre non seulement les syndicats mais aussi, mais surtout, les footballeuses, les footballeurs et le corps médical dans son ensemble qui, comme de nombreux entraîneurs et quelques dirigeants courageux, tirent régulièrement la sonnette d’alarme.
» Par la force des choses, on les écoute, mais on ne les entend pas !
» Comment assurer à l’industrie du football un avenir sain et durable si les instances négligent ainsi ceux qui fournissent le spectacle, remplissent les stades, attirent les sponsors, justifient par leurs talents cumulés l’intérêt des médias, de la télévision, des jeux vidéos dont l’explosion des droits donne en surface l’image d’une industrie florissante, prospère… Mais à quel prix ?
» Au prix de la souffrance accrue des premiers acteurs, touchés, blessés dans leurs corps, fatigués, usés dans leurs têtes, comme beaucoup le disent sans détour sur la plateforme de suivi des joueurs de la FIFPRO, et comme les 350 d’entre eux que l’UNFP a interrogé. 26 questions, auxquelles des joueurs d’autres pays ont eux aussi répondu, portant sur leurs conditions de travail, leur santé et leur sécurité, leur bien-être physique et mental.
Voici une courte synthèse de leurs réponses…
- 50 % pensent qu’ils ont subi une ou plusieurs blessures parce qu’ils jouent trop de matchs.
- 65% estiment que les compétitions nationales et internationales les privent du repos et de la récupération dont ils ont besoin.
- 65% disent qu’ils n’ont PAS assez de temps après un voyage international pour reprendre leurs activités en club.
- 89% ne sont PAS au courant des réglementations ou des mesures qui protègent leur santé.
Est-ce un hasard si l’étude similaire menée par nos collègues du SJPF, le syndicat des joueurs portugais, a donné des résultats tout aussi alarmants ?
Il n’y a rien d’étonnant, rien de surprenant dans ces réponses, juste la confirmation du constat qui, depuis ces dernières années, nous oblige à demander, à exiger, que le bon sens l’emporte et que soient enfin prises en compte la santé physique et la santé mentale des femmes et des hommes qui font, qui sont le football !
» Et leur colère, comme la nôtre, grandit à mesure qu’un sentiment où se mêlent l’indifférence et l’irrespect gagent logiquement du terrain alors que nous n’avons toujours pas notre mot à dire sur le calendrier des matches internationaux… Alors que ceux qui organisent le calendrier non seulement les ignorent, mais font le contraire de ce que les joueurs et leurs représentants demandent depuis des années ?
» Nous ne pouvons pas continuer ainsi.
» Nos joueurs ont déjà dépassé leurs limites. Le calendrier international est déjà plus que rempli.
» Et quelle est la réponse de la FIFA qui continue de décider unilatéralement ? Pas de garanties et moins encore de considérations pour les joueurs.
» Plus de matches, plus de compétitions, plus d’argent, plus de votes. Toujours plus !
» Allons-nous continuer à foncer tête baissée droit dans le mur ou nous pouvons nous entendre avec la FIFA et partager une nouvelle vision pour notre sport ?
» Un football qui respecterait les performances et la santé de chaque joueur. Un football à l’écoute des joueurs, qui pensent aussi à protéger leurs compétitions nationales. Un football qui leur donnerait un siège à la table des négociations.
« Une vision d’avenir qui reconnaît le football dans ses marchés nationaux – joueurs, supporters, clubs, ligues.
» C’est cette vision qui inspire notre travail avec nos partenaires sociaux, l’Association mondiale des ligues. Lorsque nous avons signé notre accord mondial sur le travail, l’une de nos priorités était le calendrier international des matches. Cela reste notre priorité aujourd’hui.
La Fifa ne peut plus dégager en touche !
» C’est pourquoi nous demandons à la FIFA d’agir immédiatement et de…
- Reporter la Coupe du monde des clubs 2025 afin de permettre aux joueurs de bénéficier d’un repos bien mérité et d’éviter de nuire aux compétitions nationales ;
- Rouvrir le débat sur les périodes de mise à disposition afin d’établir un juste équilibre entre les compétitions nationales et internationales ;
- Changez sa gouvernance et donnez aux partenaires sociaux des droits significatifs sur les questions de travail et d’industrie qui les concernent directement.
» Cela donnera à chacun le temps et l’espace nécessaires pour écouter – dans notre cas, pour écouter les joueurs.
» Tant que la FIFA ne nous écoutera pas, nous devrons prendre les choses en main. Et nous n’excluons rien.
» C’est notre devoir en tant que syndicat – le devoir que nous avons envers nos membres. Dénoncer l’échec de la gouvernance. Exiger notre place à la table des négociations avec nos partenaires sociaux. Accepter la nécessité d’un conflit lorsque nous avons exploré toutes les autres voies.
» L’enjeu est de taille. »