Au revoir monsieur Bourrier…

Posté le 14.08.2024 à 18h14

C’est un grand serviteur du football français qui s’en est allé, à 89 ans, longtemps travailleur de l’ombre jusqu’à la consécration et un titre de champion d’Europe Espoirs à la tête d’une génération dorée. Marc Bourrier a tellement donné à notre football pendant une trentaine d’années que l’on n’oubliera pas de sitôt ni le joueur, ni le technicien, ni ses traditionnels petits mots soufflés à l’oreille des titulaires pendant leur échauffement, ni son accent prononcé (et les imitations qu’il engendra parmi les joueurs, sans jamais néanmoins déroger au respect qui était dû au coach). Ni sa moustache.

 

Sous le maillot lensois et face à… Lille…

 

Footballeur professionnel entre 1957 et 1968, au SO Montpellier (champion de France de Deuxième division en 1961), au RC Lens (Coupe Drago en 1965) et enfin au SC Toulon, les trois sélections en équipe de France B de ce milieu né dans l’Hérault en appelaient bien d’autres… Mais dans un autre rôle, toutefois.

Car Marc Bourrier a été de ceux qui ont écrit le renouveau de l’équipe de France, ouvrant la route à la consécration mondiale de 1998… Dès 1976, il devient l’adjoint d’un certain Michel Hidalgo et, deux ans plus tard à peine, les Bleus retrouvent la Coupe du monde après douze ans de disette.

L’Argentine fut un galop d’essai au coeur duquel naquit la génération Platini. Celle de Séville et d’une demi-finale gagnée par les épaules d’Harald et le front d’Horst. Et par le poids du football allemand. Et par son expérience aussi.

Puis vint l’Euro 1984, le carré définitivement magique, l’insolente efficacité de Platoche, les larmes du deuxième président de l’UNFP – celui qui arracha le contrat à durée librement déterminé pour mettre fin à l’esclavagisme – pour un premier titre majeur. Et puis s’en va…

Mais si Michel Hidalgo, comme il l’avait annoncé, quitte alors un bateau paré pour la haute mer, Marc Bourrier, lui, assure la transition, adjoint pour quatre année de plus. D’Henri Michel, cette fois. Les blessures de Gigi et de Platoche, les Allemands – encore – et le Mondial mexicain lors duquel notre sélection pratiqua, comme en 82, comme en 84, le meilleur, le plus beau football s’arrêta en demi-finale après un légendaire face à face avec le Brésil et le mot de la fin à Luis Fernandez .

 

À fond et à Font-Romeu avec Luis Fernandez pour préparer l’Euro 84…

 

Malédiction.

Après avoir perdu son sélectionneur deux ans plus tôt, c’est une génération qui tire sa révérence, trois Mondial et un titre européen en bandoulière. Il faut rebondir, reconstruire, repartir, mais le voyage s’arrêtera à Nicosie pour Henri et Marc. Ce que l’ancien milieu nantais et son staff ne savaient pas, c’est que le résultat nul, ponctuant l’indigente performance des Bleus face à… Chypre (1-1) n’aurait fait qu’avancer la fin déjà programmée du duo, d’un coach et de son staff, montés sur la troisième marche du podium planétaire deux ans plus.

On disait à l’époque qu’un autre moustachu, tapi dans l’ombre, et quelques porte-micros – qui avaient fait de l’ancien capitaine des Bleus un artiste du variétés – avaient déjà agi, profitant d’un président totalement sous influence Des rumeurs, évidemment, que l’on appellerait fake news aujourd’hui.

Il n’empêche Platini, lui, choisira Gérard Houllier, comme adjoint.

Déjà à la tête des Bleuets, qu’il prit sous sa coupe l’Euro 84 terminé, c’est avec les jeunes qu’il continua à servir le football français, lui offrant, là encore avec une génération dorée, l’unique titre remporté à ce jour par nos espoirs. En 1988.

Il continua à faire germer les jeunes talents sous le maillot frappé du coq jusqu’en 1993, puis quitta la DTN pour l’OM, appelé à la rescousse, quelques mois après le sacre européen, par son tout puissant président, que l’on découvrait alors rétif à l’humour belge.

Deuxième du championnat, l’OM de Bourrier est pourtant envoyé en D2 à la fin de la saison. Pour 250000 francs enterrés dans un jardin, un petit Robert poussé à la faute, un champion du monde argentin pourtant pas raciste et un grand Jacques qui, comme l’autre, le chanteur belge, avait lui aussi des valeurs.

Marc Bourrier en avait aussi. Et il continuera à servir la France du football, comme formateur pour les entraîneurs du plus haut niveau possible en France (BEPF). Puis, parce qu’il fallait bien qu’il quitte l’herbe verte sur laquelle sa vie professionnelle s’était écoulée, il troqua le survet avec la tenue de dirigeant, dans son Hérault natal, mais avec la casquette d’entraîneur et de formateur, ancré sur la tête.

« C’était quelqu’un d’important du football français, quelqu’un qui a traversé les époques », a confié Bernard Casoni au quotidien L’Équipe. Et c’est tellement vrai.

À sa famille, à ses amis et à tous ceux avec lesquels il a joué ou qu’il a entraînés, l’UNFP présente ses condoléances attristées.

Deux Franck (Silvestre et Passi) pour porter en triomphe l'entraîneur des Bleuets champions d'Europe en 1988. La génération Cantona-Blanc-Paille-Sauzée-Guérin-Roche prend rendez-vous avec l'histoire sous la conduite d'un technicien, grand et beau serviteur du football français...
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