Ronan Le Crom : «C’était mon Graal !»

Posté le 02.03.2018 à 12h25

Il est ainsi des souvenirs que tout homme garde au plus profond de lui et le temps ne change rien à l’affaire. Pour un footballeur, assurément, c’est jouer un premier match « chez les professionnels ». C’est un peu comme la quête d’un Graal païen, l’aboutissement d’un parcours débuté, pour la plupart, à l’aube de l’adolescence.

Fort d’une carrière professionnelle qui s’est étirée sur une vingtaine d’années, et désormais chargé de clientèle au sein d’Europ Sports Assur, Ronan Le Crom a accepté d’être le premier à tourner, avec nous, les pages de l’album aux précieux souvenirs…

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Ronan, raconte-moi ton premier match en pro…

J’avais 22 ans. J’étais prêté par Auxerre à la Berrichonne de Châteauroux en Deuxième division. Ce fut une saison assez mémorable où nous avons réussi à accrocher la montée au niveau supérieur. J’ai joué mon premier match à Laval, et pour être tout à fait honnête, je n’en ai pas gardé beaucoup de souvenirs. Bien sûr, il y avait la pression et beaucoup d’appréhension, mais la seule image que j’ai gardée en tête, c’est que je n’aimais pas du tout l’état du terrain. Il craquait sous mes crampons, et je n’étais  pas vraiment en confiance. Ma performance n’est pas restée dans les annales, mais c’était une première étape de franchie.

« J’aurais pu me faire les croisés avant de disputer une minute en Ligue 1 »

Je crois que tu as gardé plus de souvenirs de ton premier match en Ligue 1 avec Auxerre…

C’est vrai. C’était le 5 mai 2000. On jouait à l’Abbé-Deschamps face à Rennes. J’ai commencé sur le banc, comme j’en avais l’habitude. La hiérarchie était bien établie avec Fabien Cool. Il était numéro un, j’étais sa doublure. Le match se déroule assez bien pour nous. On mène 4 ou 5 à zéro. Et puis Fabien se blesse à une vingtaine de minutes de la fin. Je le remplace et je finis le match. Même si je n’ai joué qu’une poignée de minutes et que le match était déjà plié, c’est un vrai grand souvenir pour moi. Inaltérable.

Ronan Le Crom à Auxerre

Ronan Le Crom à Auxerre

Que se passe-t-il dans ta tête au moment où tu vois Fabien Cool se blesser ?

Tout s’enchaîne assez vite. Mon cœur bat la chamade et mon taux d’adrénaline monte en flèche. J’ai à peine temps de m’échauffer. Je rentre dans le grand bain sans trop me poser de question. Avec le recul c’était finalement une première assez idéale, parce que le match était plié et j’avais peu de pression.

Tu te rappelles de ton premier ballon ?

Je me souviens surtout de mon entrée sur le terrain. Juste avant de rentrer sur la pelouse, j’avais pour habitude de faire un saut d’allègement pour me mettre dans ma bulle. C’est le rituel que j’ai gardé tout au long de ma carrière. Donc, je fais mon saut devant le banc de touche et sur la réception, je sens mon genou partir légèrement. Je me réceptionne comme je peux. C’est un petit miracle que je ne me sois rien cassé ! Tous mes coéquipiers se sont marrés comme jamais. J’aurais pu me faire les croisés avant de disputer une minute en Ligue 1 (rires)…L’émotion et l’adrénaline m’ont sans soute sauvé de la blessure !

Comment ça s’est passé dans le vestiaire à la fin du match ?

Mes coéquipiers étaient contents pour moi et m’ont félicité, tout comme j’ai pu le faire pour d’autres joueurs qui ont passé ce cap difficile. Je me souviens de Blaise Matuidi, par exemple. Il a fait ses premiers pas en Ligue 1 avec Troyes face à Nice dans un environnement pas du tout facile. D’ailleurs pour l’anecdote, j’adorai jouer au stade du Ray, un stade à l’ancienne, avec un public  bouillant, tout près de la pelouse. Je ressentais cette ferveur incroyable, qui descendait des gradins. J’ai fait ce métier pour vivre ce genre d’émotions.

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« la performance se juge sur la durée »

Ce sont des souvenirs que l’on garde longtemps en mémoire ?

Complètement, et même si l’on vit un niveau de stress assez élevé, ils sont marqués au fer rouge. Je sais pour chacun ce que cela représente. Avec le recul, c’est beaucoup d’émotions positives, une forme de soulagement, parce qu’on se dit qu’on l’a fait et que ça s’est à peu près bien passé. Je me souviens que mes parents m’ont félicité le lendemain. Ils étaient contents pour moi, car ils savaient ce que cela représentait pour moi de jouer en Ligue 1. J’avais 26 ans, j’avais fait deux saisons en Ligue 2, mais pour moi, jouer en Ligue 1 c’était mon Graal !

Comment tu gères la suite ? Tu te dis que le plus dur est passé ou cela te met encore plus de pression ?

Dans mon cas ni l’un ni l’autre. Je n’ai pas pu me projeter pour la suite. J’étais numéro deux derrière Fabien, la hiérarchie n’a pas bougé. Je n’ai pas rejoué tout de suite. C’est seulement deux saisons plus tard avec Guingamp que j’ai à nouveau foulé les terrains.

Tu disputes ton premier match en 2002 avec l’En Avant, face à l’Olympique Lyonnais, champion de France en titre…

Pour le coup, autant mon entrée face à Rennes, dans un match plié à vingt minutes de la fin, avait été une partie de plaisir, autant celle face à Lyon a été vraiment difficile. La veille du match a été compliquée à vivre. J’étais particulièrement tendu, j’avais le trac, du mal à m’endormir. J’avais vraiment la pression. Je me rappelle avoir fait des respirations abdominales pour me détendre et rentrer dans ma bulle.

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Comment ça s’est passé sur le terrain ?

Comme prévu, c’était un match assez difficile face au champion de France sortant. Le scénario de la rencontre a été assez fou. Lyon domine et mène au Roudourou 3 à 1. J’ai commencé à me détendre après avoir pris un ou deux buts. Je précise que cela n’a pas été tout le temps le cas (rires). Je fais quelques arrêts qui nous maintiennent dans le match. Didier Drogba rentre à ce moment-là et le match bascule complètement. On revient au score et on arrache le match nul au courage. Inoubliable !

Tu as gardé les maillots de ces rencontres ?

Je garde toujours ces reliques chez moi. C’est surtout mon fils cadet, qui est un peu collectionneur, pas uniquement de mes affaires, qui va de temps en temps dans le garage et me sort des maillots, les punaise dans la maison, me pose des questions sur tel ou tel match. Ça me fait plaisir, et je dois avouer que je réfléchis encore si je dois aménager ou pas une petite pièce dédiée à cette… collection (rires).

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Avec le recul, comment confirme-t-on, comment dure-t-on ?

J’ai toujours pensé que la performance se juge sur la durée. Si on a un bon niveau et qu’on arrive à le garder assez longtemps, on peut être satisfait de soi-même. Si l’on n’est qu’une étoile filante, c’est plus problématique. Réussir une carrière et durer, cela demande beaucoup d’investissement au quotidien. Cela passe par le travail, le travail et encore le travail. C’est une bonne manière d’aborder les choses. Et puis, il faut savoir garder les pieds sur terre. Le manque d’humilité, c’est ce qui peut gâcher le reste.

Un regret ?

J’ai toujours le regret de ne pas avoir porté le maillot de l’équipe nationale, même si à Guingamp j’avais été présélectionné. Je me suis quand même rattrapé parce que je l’ai porté avec l’équipe de France de Beach Soccer. C’était des moments forts et une belle fierté d’avoir la tunique tricolore sur les épaules. J’avais la gorge serrée pendant la Marseillaise. Je n’ose pas imaginer l’émotion que cela doit être de représenter son pays avec l’équipe de France A…

Recueillis par Philippe Rossi.

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